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Israël-Palestine : l’Europe doit agir
Gilles Manceron
Article mis en ligne le 3 décembre 2016
dernière modification le 2 décembre 2016

Depuis l’élection de Donald Trump, l’extrême droite se trouve à la fois au pouvoir aux Etats-Unis et en Israël. Pour le sort des Palestiniens, on peut redouter le pire. Il revient à la France et à l’Europe d’exercer les pressions indispensables pour espérer la paix.

C’est aujourd’hui le grand amour entre le vainqueur de l’élection présidentielle américaine, Donald Trump, et le premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou. Leur relation n’est pas nouvelle puisqu’à la veille des élections de mars 2015 qui ont permis à Netanyahou de renforcer considérablement son pouvoir en Israël, Trump avait tourné une vidéo chaleureuse pour le soutenir.

Pendant sa propre campagne, il s’est déclaré favorable à la poursuite de l’implantation de colonies israéliennes dans les territoires palestiniens et a promis le transfert de l’ambassade américaine de Tel-Aviv à Jérusalem, deux violations patentes du droit international qui rendraient impossible un Etat de Palestine. Au lendemain de l’élection américaine du 8 novembre, Netanyahou s’est félicité du succès de son ami Trump.

L’un des leaders du camp des colons extrémistes en Israël, le ministre de l’Education Naftali Bennett, a proclamé que désormais « l’époque d’un Etat palestinien est révolu ». Et, dès le 16 novembre, la Knesset a voté en première lecture une loi légalisant rétroactivement 2 000 à 3 000 colonies en Cisjordanie installées illégalement au regard même des lois israéliennes. Ce lobby réclame « une loi d’annexion de la Judée et de la Samarie », c’est-à-dire de la Cisjordanie occupée en 1967. L’impunité dont bénéficie Israël va se trouver confortée et lui permettre de durcir sa répression de la population palestinienne. (...)

Cette lune de miel annonce le pire. C’est pour cette raison que le Collectif « Trop, c’est trop ![1] » et le Collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, qui rassemble 52 associations[2], lancent une campagne pour la suspension de l’Accord d’association entre l’Union européenne et Israël. Elle est soutenue par la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, dont sont membres 40 organisations[3].

Cette campagne soutient les forces anti-colonialistes israéliennes qui luttent courageusement pour les droits des Palestiniens. (...)

En s’en tenant strictement au droit international, l’Union européenne doit donc, par sa suspension, se conformer aux règles qu’elle a elle-même fixées.

La multiplication de nouvelles colonies en Cisjordanie occupée nous impose de réagir. (...)

Cette campagne se situe dans le cadre de la campagne Boycott, Désinvestissements, Sanctions (BDS), lancée en 2005 à la demande de 172 ONG palestiniennes, qui a permis notamment de sensibiliser les consommateurs à l’illégalité des produits des colonies. Elle a conduit à la décision européenne d’imposer leur étiquetage, qui vient de se traduire en France par un texte paru le 24 novembre au Journal officiel[4]. Mais l’heure du S de BDS a sonné. La suspension de cet accord est un moyen de pression beaucoup plus redouté et efficace que le boycott par les consommateurs français ou européens des produits des colonies. Située sur le terrain strict du droit, elle ne laisse pas prise aux accusations mensongères d’antisémitisme qui sont le seul argument des défenseurs de cette politique. L’Europe, en se démarquant des Etats-Unis qui risquent de prendre désormais des positions aggravant considérablement la situation en Palestine, doit affirmer son rôle. Elle doit avoir le courage de réagir en obligeant Israël à se conformer au droit. (...)

L’Accord d’association de l’UE avec Israël facilite les relations économiques et la coopération scientifique et technologique permettant la participation d’Israël au « Programme-cadre de recherche et développement technologique » de l’UE. Sa suspension est une mesure qu’Israël craint par-dessus tout puisque son économie est fondamentalement dépendante de l’extérieur, et notamment des échanges avec l’Europe. C’est un moyen de pression particulièrement efficace pour demander le retrait israélien des territoires palestiniens occupés.

Le 10 avril 2002 le Parlement européen avait déjà demandé à la Commission et au Conseil européens la suspension temporaire de l’Accord d’association. La Commission et le Conseil n’en ont pas tenu compte. Le mouvement de solidarité avec la Palestine en Europe, face à la riposte du gouvernement israélien qui a attribué faussement au regain d’antisémitisme en Europe cette demande fondée sur le droit, n’a pas été assez puissant alors pour obliger les instances de l’UE à suivre la recommandation du Parlement européen. (...)

En même temps que la suspension de cet accord, doit intervenir un moratoire sur la coopération sécuritaire et militaire entre la France et l’Etat d’Israël, et la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire chargée de faire la transparence sur les modalités de cette coopération et sa conformité au regard des engagements internationaux de la France. Dans cet esprit, nous devons mettre en question la présence – très ostentatoire – de l’industrie israélienne d’armement dans les différents salons d’armement internationaux que la France organise chaque année et qui sont autant de cadres de propagande pour légitimer la guerre menée contre les Palestiniens.

L’Europe est le premier partenaire commercial d’Israël. La situation nouvelle créée par l’élection de Donald Trump l’oblige à prendre acte de ce qu’elle ne peut plus feindre de s’en remettre aux Etats-Unis pour contraindre Israël à la paix. (...)

Si elle reste paralysée par le souvenir de son propre antisémitisme qui a culminé avec le processus de destruction des Juifs d’Europe par l’Allemagne nazie, dont les Palestiniens ne sont pas responsables, la spirale de violence ne s’arrêtera jamais au Proche-Orient et elle risque d’emporter à terme tous les peuples méditerranéens. Les persécutions antisémites que l’Europe a connues dans plusieurs pays dans son passé et qui ont contraint à l’exil de nombreux Juifs européens lui confèrent, au contraire, une responsabilité particulière. (...)