
Présenté comme le paradis des ultra-riches, Dubaï accueille depuis quelques années des influenceurs français qui y font fructifier leurs intérêts et leur com’. Petite immersion numérique.
"Les gens faibles. [...] Ils me dégoûtent. » La charmante personne qui tient ce discours dans une vidéo TikTok du 27 juillet 2022 s’appelle Nadé Blata. Elle est ce qu’on appelle une influenceuse, soit quelqu’un qui gagne sa vie en racontant sa life et en plaçant des produits sur les réseaux sociaux, avec une audience se comptant en millions de personnes. Comme certains de ses congénères les plus friqués, elle a choisi d’aller vivre à Dubaï, paradis bling-bling des cerveaux vides obsédés par le fric et le paraître. Là, tout n’est que luxe, calme et volupté de ne pas payer d’impôts.
Nadé Blata est par ailleurs la compagne d’un certain Marc Blata, chic type lui aussi. On connaît le couple sous le surnom flatteur des « Balkany de Dubaï ». Ensemble, ils cumulaient (jusqu’à ce que leurs comptes soient bloqués) 7 millions d’abonnés sur Instagram, où ils partageaient une vie vaine faite de grosses bagnoles, de selfies malaisants, de leçons de vie à pleurer et de chirurgie plastique (pour elle). S’ils ont été virés d’Insta par la maison-mère Meta, c’est notamment parce qu’ils font face depuis janvier à deux plaintes déposées par le collectif AVI (aide aux victimes d’influenceurs), regroupant 88 personnes s’estimant lésées, pour escroquerie en bande organisée et abus de confiance. En cause, notamment, la mise en avant de placements financiers douteux, touchant par exemple au trading en ligne. (...)
« Clochard millionnaire » (...)
C’est une constante du capitalisme : clamer qu’il y a toujours une opportunité de gravir la pyramide. La figure du self-made man américain servait à ça, miroir aux alouettes déployé tout au long du xxe siècle pour dire que quand on veut, on peut. L’originalité des adeptes de la Dubaï Connection, c’est que désormais ils n’ont plus besoin pour trôner d’avoir bâti une usine, trouvé les numéros du Loto ou construit une carrière d’actrice. Mais simplement de tourner des vidéos avec placement de produits, plastique irréprochable et sourire ultra-bright. Nonobstant, les places sont chères : « C’est vraiment le mythe de l’aspirant comédien débarqué à Hollywood qui dort dans sa voiture en attendant d’être une star », explique un fonctionnaire émirati1.
Combien d’élus dans la masse des aspirants influenceurs ? Pas bézef. Il semble néanmoins que l’étape Dubaï soit une sorte de Graal, auquel seuls les plus immoraux ont accès. Dans un récent documentaire de Complément d’enquête, un autre couple témoignait, enthousiaste : « À Dubaï, tu payes pas d’impôts, tu donnes rien aux autres et ça motive, le matin quand tu te lèves ! »2 Au moins, c’est clair. (...)
Hyper exposition de la richesse contre invisibilisation de ses effets, c’est peut-être là l’un des traits les plus saillants de ce vampirisme made in réseaux sociaux. Mais s’ils sont carrément déplaisants, on aurait tort de jeter la totalité de l’opprobre sur les Blata, Dylan Thiry ou Nabilla de ce monde. Ce ne sont que des petits joueurs au regard des véritables maîtres du game (...)