
Il y a bien longtemps que les questions relatives au droit d’auteur ne peuvent plus être abordées en France avec la sérénité nécessaire à un vrai débat démocratique. Les remous provoqués par la consultation lancée par la Commission européenne à propos de la réforme du droit d’auteur constituent une nouvelle illustration de la dégradation de la situation. A cette occasion, l’attitude des représentants des titulaires de droits se révèle particulièrement critiquable, mais instructive sur leur conception de la démocratie et la morgue avec laquelle ils considèrent les citoyens…
Une consultation sous haute tension…
Pour mémoire, le droit d’auteur est principalement régi en Europe par une directive de 2001, transposée en France par le biais de la loi DADVSI en 2006. Depuis 2001, la Commission a déjà lancé plusieurs consultations sur le droit d’auteur, dont elle n’a pas tenu compte pour se lancer dans l’aventure périlleuse de l’accord ACTA. Cet épisode lui a valu de subir l’une des déconvenues les plus cuisantes de son histoire devant le Parlement européen en 2012, à l’issue d’une mobilisation citoyenne d’une ampleur sans précédent sur de tels sujets.
On aurait pu alors s’attendre à ce que la Commission tire les leçons de ses erreurs en lançant dans la foulée une vraie consultation sur la réforme du droit d’auteur, mais elle a préféré encore jouer la montre avec un processus "Licences For Europe". (...)
Le tout s’est logiquement soldé par un fiasco pour la Commission, avec le départ de plusieurs associations citoyennes en cours de route et des résultats globalement informes..
Et voilà donc la Commission à présent acculée à relancer une consultation, mais elle le fait à la veille d’élections européennes qui la mettront de toutes façons dans l’incapacité d’enclencher à court terme une vraie réforme par la suite. Pour verrouiller encore davantage les choses, le questionnaire de la consultation fait plusieurs dizaines de pages d’une grande technicité, rédigées exclusivement en anglais (ce qui est proprement scandaleux de la part de la Commission). Le texte est en outre fortement orienté dans ses formulations. (...)
La consultation contourne en réalité habilement la question de la reconnaissance des droits culturels fondamentaux des individus à l’heure du numérique et c’est un biais que la Quadrature du Net a dénoncé. (...)
(...) Dans ces circonstances, plusieurs associations et organisations se sont mobilisées pour faciliter la participation et la contribution des citoyens.
L’eurodéputée du Parti Pirate, Amelia Andersdotter, a produit une analyse détaillée des différentes parties de la consultation. Le Parti Pirate français a réalisé de son côté de manière collaborative une traduction du texte. Plusieurs sites en ligne, comme copywrongs.eu ou youcanfixcopyright.eu ont également été lancés pour faciliter l’appréhension du texte et fournir des argumentaires aux citoyens. La Quadrature du Net a produit de son côté une réponse complète, à la rédaction de laquelle j’ai participé en tant que membre du Conseil d’orientation stratégique de l’association, et nous avons également produit une page d’aides : "Répondre à la Consultation de la Commission européenne sur le droit d’auteur". (...)