
L’hybris gouverne le monde, l’hypocrisie règne, et la Troïka s’agace-t-elle des Grecs. L’été hellène, décidément ante portas, serait, aux dires des rumeurs officialisées par la presse internationale, entré en concurrence ouverte avec... l’avènement supposé prochain du défaut certifié de la Grèce, probablement sans quitter la zone Euro. Présent novateur et avenir... retouché !
(...) Comme souvent dans l’histoire, on s’apprêterait à plonger dans l’inédit, une fois de plus. Pour ce qui est des arguments présentés comme techniques ou économiques, tout a été dit, redit, analysé, voire même... composté dans la tête et dans la... poche des humbles. On sent alors bien proche la fin des analyses... et en même temps, le début de la... chirurgie. Autrement-dit, les Grecs, qu’ils l’apprécient ou non, ils sentent la (dernière) sentence ou sinon la délivrance, dans l’air du temps, ce dernier devenant enfin plus politique que jamais.
Car les problèmes économiques sont en réalité des politiques déguisées en expertises comptables et complantés peu ou prou. D’où l’impasse, d’abord slogan que j’ai découvert il y quelque jours sur un mur du Pirée, mais autant, éléments d’analyse très pertinente, proposée par Jacques Sapir sur son blog. (...)
“Le gouvernement grec a construit sa stratégie sur le fait que l’Eurogroupe aurait bien plus à perdre que la Grèce à une crise. En cas de défaut grec, les gouvernements de la zone Euro devraient expliquer à leurs populations qu’il faut recapitaliser d’urgence la BCE et couvrir les pertes du MES et du FESF. Par ailleurs, un défaut grec entrainerait l’activation des CDS (credit-defaut swaps) qui ont été émis. Enfin, psychologiquement, cette crise signifierait à tous les observateurs que l’Euro n’est pas irréversible mais aussi que les pays du ‘noyau’ de la zone Euro ne sont pas prêts à assumer les conséquences du fonctionnement de la zone Euro. Il ne faudrait que quelques semaines pour que la crise se répercute dans les pays périphériques (Espagne, Portugal, Irlande et Italie). De proche en proche, on aboutirait à l’implosion de la zone Euro. C’est pourquoi le gouvernement grec ne veut pas céder. Ajoutons, et tout le monde le comprend, que s’il cède il perd immédiatement toute sa crédibilité et sa légitimité, et que SYRIZA, un parti passé en quelques années de 4% à 36% des sondages, serait condamné à disparaître”. (...) en cas de compromis, validant la stratégie de Tsípras et de SYRIZA, c’est toute la politique d’austérité qui volerait en éclat (avec un encouragement très fort à Podemos en Espagne et au Sinn Fein en Irlande), non seulement au grand dam de l’Allemagne (et de ces alliés) mais aussi des hommes politiques qui, dans d’autres pays, ont construit leur carrière sur ce projet (comme François Hollande)”.
“C’est pourquoi un compromis est en réalité une illusion. Il n’y a pas d’alternative à l’Eurogroupe que d’écraser ou périr. Il n’y a pas d’alternative pour le gouvernement grec que d’aller à l’affrontement ou périr”. (...)
J’y ajouterais toutefois une... troisième voie possible, aller à l’affrontement et néanmoins périr. Cependant, pratiquement tout le monde en Grèce souffre de cette incroyable dévitalisation économique, politique, démocratique, sociale, relationnelle et enfin psychologique, très justement (c’est à dire avec injustice), parce que l’euro n’est pas tout à fait une monnaie, mais plutôt, une effroyable arme politique et symbolique, comme d’ailleurs je le répète sur ce blog depuis sa création en octobre 2011.
Sauf que dans la pratique cette... infusion symbolique demeure moins perceptible que ses dégâts politiques et sociaux. (...)
Mon ami (et lecteur de Greek Crisis) Olivier (je le remercie aussi publiquement), a pris l’initiative de collecter certains médicaments en France, je les ai apportés la semaine dernière au Dispensaire solidaire d’Ellinikón près d’Athènes. J’y ai rencontré le cardiologue Yórgos Vichas, à cet endroit et au-delà des apparences et des plages, la lutte... verticale pour la vie se poursuit.
“Nous sommes toujours et encore débordés. J’attends, dans quelques semaines et avec impatience, la loi en préparation mettant fin à cette situation. Ainsi, les non-assurés, un gros quart de la population, auront enfin accès au système de santé. En patientant, nous lançons toujours des appels à l’aide. Cette semaine, nous manquons cruellement de lait et de couches pour les nourrissons. Nous avons pris en charge une centaine de bébés par jour...”
Pas trop loin d’Ellinikón, les cafés ont été alors remplis ce dernier week-end : “J’ai utilisé mes derniers sous pour cette sortie. Après on verra. Quoi qu’il arrive le monde ne s’écroulera pas”, racontait une jeune femme à son compagnon, un verre de café glacé à la main. (...)
Pourtant tout, tout un monde s’est déjà écroulé, celui de l’emploi et celui de l’espoir, pour ne pas les nommer. (...)
Les banques (moribondes), c’est à dire aussi la BCE, comme le dirait encore Jacques Sapir, il n’y a pas d’alternative à l’Eurogroupe que d’écraser ou périr.
L’hybris gouverne le monde, l’hypocrisie règne, mais l’été hellène, décidément ante portas nous rendrait (un peu) joyeux et peut-être même plus philosophes. Sous la plage, l’histoire !