
Dix réacteurs sur 56 sont à l’arrêt, soit 20 % de la capacité de production nucléaire française. « En hiver, la disponibilité du parc nucléaire n’a jamais été aussi basse », observe RTE, le gestionnaire du réseau haute tension.
La série noire se poursuit pour EDF. Jeudi 13 janvier, le groupe a annoncé qu’un quatrième réacteur nucléaire, Penly 1, en Seine-Maritime, était concerné par un problème de corrosion sur son système d’injection de sûreté — un dispositif d’une importance capitale en cas d’accident. Son arrêt a été prolongé jusqu’à fin mai. Reporterre fait le point sur la situation.
Combien de réacteurs sont concernés par ce problème ?
Ce problème de corrosion a été détecté sur quatre réacteurs : les deux réacteurs 1 et 2 de 1 450 mégawatts (MW) de la centrale de Civaux (Vienne), le réacteur B2 de 1 450 MW de Chooz (Ardennes) et donc le réacteur 1 de 1 300 MW de Penly.
Tous sont à l’arrêt dans l’attente du remplacement des pièces défectueuses et resteront indisponibles pendant des mois. Aux dernières nouvelles, Civaux 1 devrait redémarrer le 31 août et Civaux 2 le 31 décembre. Chooz 2 ne reprendra du service que le 31 décembre. Quant à Penly 1, il ne sera reconnecté au réseau que le 30 mai.
Le réacteur B1 de Chooz est également à l’arrêt jusqu’au 11 février au moins, sans qu’EDF ne révèle s’il est concerné par ce problème. (...)
« Dans l’industrie nucléaire, le choix se porte sur des matériaux pas ou peu sensibles à la corrosion sous contrainte, poursuit Mme Herviou. Mais les opérations de soudage engendrent des contraintes résiduelles dans le matériau. Elles sont menées selon des procédés très particuliers visant à limiter la création de ces contraintes et, à la suite du soudage, des procédés de détensionnement sont appliqués pour la limiter encore. » Pour les cinq réacteurs concernés, ces précautions n’ont manifestement pas suffi.
La directrice générale adjointe de l’IRSN a aussi qualifié ce phénomène de « pernicieux » : « Vous pouvez ne rien voir pendant ce qu’on appelle la phase d’incubation, qui peut durer vingt, trente ou quarante ans. Cela explique pourquoi EDF a pu ne rien voir lors des contrôles précédents. Puis, un petit défaut va se créer, une petite fissure, qui va évoluer en fonction des contraintes mécaniques. »
Comment s’explique ce phénomène de corrosion ?
C’est la grande inconnue. « EDF a avancé plusieurs pistes (géométrie des circuits, soudage) qui doivent être vérifiées », a écrit l’Autorité de sûreté nucléaire à Reporterre. (...)
Un comité de vigilance a été organisé mardi 11 janvier par la commission locale d’information (CLI) de Civaux pour s’informer sur cette dégradation. Les explications d’EDF ont laissé les membres sur leur faim. « EDF nous a seulement dit qu’il ne s’agissait pas d’un problème de fatigue thermique, qui se produit quand on fait circuler alternativement de l’eau très chaude et de l’eau très froide dans les circuits, ni d’un problème de vibrations. Mais il ne peut pas nous expliquer ce qui se passe exactement », dit à Reporterre Hélène Heintz Shemwell, membre de la CLI et du Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN).
Cette incertitude pèse sur le moral de l’électricien. (...)
S’agit-il d’un problème générique ?
Le parc nucléaire français en fonctionnement est composé de cinquante-six réacteurs produits en série sur quasiment le même modèle, quoique avec différentes puissances (900, 1 300 MW et 1 450 MW). On appelle « anomalie générique » un défaut qui va se retrouver sur tous les réacteurs d’un même palier de puissance — par exemple chez tous les réacteurs de 1 450 MW… — voire sur tous les réacteurs du parc. « À ce stade, un problème générique ne peut pas être exclu », estime Mme Herviou.
Ce qui est certain, c’est que la découverte d’un phénomène de corrosion sur un des réacteurs de Penly de 1 300 MW n’est pas une bonne nouvelle pour EDF. Cela signifie en effet que ce problème n’est pas circonscrit aux réacteurs de 1 450 MW, comme pouvait précédemment l’espérer EDF.
Reste à savoir si d’autres réacteurs de 1 300 MW sont concernés par ce défaut. Pour l’heure, le groupe a décidé de ne pas arrêter les réacteurs de ce palier de puissance. Il s’est plutôt lancé dans le réexamen de tous les résultats des précédents contrôles réalisés sur ces installations et prépare un programme de vérification qui sera communiqué à l’ASN d’ici la fin du mois de janvier. (...)
« L’impact sur les perspectives financières [de ces arrêts] est en cours d’analyse », a écrit EDF jeudi 13 janvier dans un communiqué.
Une chose est sûre, le coût pour le groupe s’annonce considérable. (...)