Après avoir annoncé, début février, son retrait du centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, La Cimade organisait, jeudi, un rassemblement devant le CRA. À l’occasion de visites de parlementaires, des personnes retenues ont pu s’exprimer sur la difficulté accrue de faire valoir leurs droits depuis le départ de l’association.
À peine la porte ouverte par la commandante du centre de rétention administrative (CRA), donnant sur un long couloir aux murs orange pâle, Jonathan interpelle la députée Ersilia Soudais (LFI), en visite dans le centre jeudi 2 mars. Veste kaki, bonnet entourant son visage rond, l’homme lance : "Je vote pour vous si vous me faites sortir d’ici ! J’ai des enfants en France, et je vais être renvoyé en Afrique..." (...)
Juste derrière lui se trouve le local où se tiennent régulièrement des audiences en visioconférence avec l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Un peu plus loin dans le couloir, le bureau de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII). Juste après, celui de La Cimade. La porte en est définitivement close depuis le 2 février, date à laquelle l’association a annoncé son retrait du plus grand CRA de France. Quelques affiches y sont encore accrochées. L’une d’elles indique, en majuscules : "Venez nous voir dès votre arrivée, c’est urgent !!!".
"Cela faisait un moment que les tensions montaient au Mesnil-Amelot. Mais en janvier, il y a eu toute une série de dysfonctionnements", retrace Dalia Frantz, responsable nationale rétention de La Cimade.
Éloignements illégaux : "Cela se retourne contre nous"
En un mois, 11 éloignements illégaux ont été recensés. Parmi ces personnes, plusieurs avaient déposé une demande d’asile ou un recours suspensif auprès du tribunal administratif. D’autres relevaient de catégories protégées de l’éloignement. Par exemple, "monsieur B. a été expulsé alors qu’il a des enfants en France, qu’il est marié ici et qu’il avait un recours au tribunal administratif".
Ce jeudi, les intervenants de l’association dans divers CRA de France ont publié une tribune dans Le Monde au sujet de ces "pratiques arbitraires" de l’État. (...)
Depuis son départ du Mesnil-Amelot, La Cimade a été reçue par la Direction générale des étrangers en France, ainsi que par la direction de la Police aux frontières. Plusieurs sujets ont été mis sur la table. Entre autres, ces éloignements illégaux, mais aussi les placements en rétention de personnes vulnérables. Au Mesnil-Amelot par exemple, le cas d’une femme gravement malade a été médiatisé récemment. Soutenue tant bien que mal par ses co-retenues, elle vient d’être libérée après deux mois au CRA, grâce à une nouvelle expertise psychiatrique commandée par le juge des libertés et de la détention.
"Je ne sais pas où en est mon dossier, ni quand je vais sortir"
En attendant, depuis un mois, l’absence de l’association se fait sentir. (...)
Dans le bâtiment 5, des serviettes sont étendues sur des portes ouvertes. Ici, pas d’intimité : même dans les sanitaires, où les murs décrépis gardent une odeur tenace d’urine malgré le nettoyage effectué le matin, il n’y a aucune serrure. (...)
"La Cimade, ils nous expliquaient les jugements, ils nous prévenaient quand il y avait un vol. Maintenant, on ne sait plus rien. Je ne sais pas où en est mon dossier, ni quand je vais sortir".
Des rétentions au-delà des trois mois (...)
Pendant ces longs mois de rétention, les retenus tournent en rond entre les grillages. Au fond de la cour, l’un d’eux donne à manger à des pigeons. "Des pigeons qui donnent à manger à des pigeons", soupire Joseph*. "Il n’y a rien à faire ici. Tu t’assois et tu regardes passer les avions."
Presque à chaque minute, réglés comme une horloge, ils traversent le ciel bleu. Impossible d’en faire abstraction. Le bruit de leurs moteurs recouvrent les voix de la moindre conversation.
"Comment on va faire pour comprendre les documents ?" (...)