Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Ballast
« Il y a une civilisation judéo-musulmane »
Michel Warschawski
Article mis en ligne le 21 mars 2017
dernière modification le 18 mars 2017

1896 : un journaliste austro-hongrois publie L’État des Juifs et ancre l’idéologie sioniste naissante : la création d’un foyer national juif afin d’enrayer l’antisémitisme. 1922 : la Palestine compte 760 000 Arabes et 84 000 Juifs — ce qui n’empêche pas les militants sionistes de reprendre en chœur l’affirmation de quelque romancier anglais : « Un peuple sans terre qui revient à une terre sans peuple. » 1947 : au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’ONU vote le partage de la Palestine, sous mandat britannique depuis deux décennies. 1948 : l’État d’Israël naît officiellement et s’en remet à « l’Éternel Tout-Puissant » ; les Arabes, refusant d’être colonisés, prennent les armes afin de défendre leurs terres — c’est la débâcle pour les Palestiniens : nettoyage ethnique, villages rasés, massacres, 800 000 exilés. La suite est connue (...)

En Israël, des voix s’élèvent pour tourner la page de l’occupation : celle de l’essayiste Michel Warschawski, fondateur du Centre d’information alternative, à Jérusalem, et fils du grand-rabbin de Strasbourg, mérite une attention particulière. Nous revenons avec lui sur cette tradition dissidente. (...)

Ce n’est pas par hasard que notre procès a souvent été appelé le « procès de la frontière », et que mon premier bouquin était Sur la frontière. Cette notion est à la fois celle du droit — ce qui est légal ou non — et celle entre Israéliens et Palestiniens. C’est un endroit dangereux, mais également le seul où tu peux faire quelque chose. Être au cœur du consensus de ta propre société ne permet pas d’aller très loin. À travers nos contacts, nos amis, nos relations et nos camarades palestiniens, nous sentions que quelque chose de nouveau émergeait : une nouvelle génération de militants — des syndicalistes, des femmes, des étudiants — qui, suite à la crise de l’Organisation de libération de la Palestine, avait une grande autonomie. On passait de la lutte armée à la lutte civile. D’une lutte clandestine à une lutte ouverte. Nous étions bien placés pour sentir ces premiers signes et nous essayions de sensibiliser l’opinion publique israélienne et les journalistes, en leur disant qu’il se passait des choses nouvelles. En parallèle de tout ça, suite à la guerre du Liban, le consensus politique en Israël éclate, et ce pour la première fois. Un mouvement d’opposition de masse émerge contre la guerre et contre l’occupation, un mouvement resté très marginal jusque-là. Et notre rôle a donc été de dire aux Palestiniens : « Attention, il y a des choses qui changent ! Vous avez une force potentielle d’appui en Israël qu’il vous faut prendre en considération dans votre stratégie, selon vos propres choix évidemment. » (...)

Pour créer un avenir ensemble, le taayoush, il faut un combat ensemble, qui se prépare et se construit. Ça ne tombe pas du ciel. La création d’un espace commun est donc indispensable. C’est ce qui explique la fermeture du Centre en 1987, juste avant la première Intifada. Au cours de notre procès, on nous a accusés d’avoir été les initiateurs de l’Intifada. En plus d’être ridicule, c’est d’un racisme ! Il faut que ça soit des Juifs qui viennent dire aux Arabes quoi faire… Mais il y avait là un tout petit élément de vérité : non pas que nous ayons déclenché l’Intifada, mais nous l’avions sentie…

Dans votre livre À contre chœur — Les voix dissidentes en Israël, vous écrivez que les refuzniks — les objecteurs de conscience israéliens qui refusent de servir dans l’armée — sont « le joyau de la couronne des mouvements d’opposition ». (...)

Le tournant en terme d’opinion publique et de consensus se situe en août 2000. C’est le moment où le mouvement de la paix, jusqu’alors un mouvement de masse, disparaît en quinze jours. Implose. C’est un truc nucléaire : il n’en reste rien. C’est suite à une immense manipulation — pas que, mais elle joue un rôle extrêmement important —, menée par Ehud Barak, en revenant du sommet de Camp David. Manipulation qu’il reconnaît lui-même, quelques années plus tard. Charles Enderlin en a fait des livres et un film. C’est le grand mensonge de Camp David, où Barak — cet odieux personnage, élu par le peuple de gauche — dit cette phrase que tout le monde connaît : « J’ai fait des offres généreuses à Arafat et il les a rejetées. » Et il ajoute qu’il a démasqué le vrai plan d’Arafat, celui qui, derrière son langage de modération et ses négociations, n’a qu’un seul objectif : jeter les Juifs à la mer. (...)

Ce ne sont même pas les Palestiniens qui nous en veulent, c’est tout le monde musulman ! C’est le choc des civilisations : c’est nous et l’ »Occident judéo-chrétien » — comme ils disent — qui sommes menacés par le terrorisme international, qui devient le terrorisme islamique, qui devient l’islam. Par anticipation, on avait raison ! C’est : soit eux, soit nous ! C’est tout le discours néoconservateur américain. Le mouvement, qui semblait un peu se réveiller, retombe et avale totalement ce discours, devenu mondial (...)

l’État d’Israël s’est formé et s’est développé sur une lecture binaire du monde. On était là pour protéger le monde libre contre le communisme et son allié, le nationalisme arabe. L’ennemi global a changé : il est devenu l’islam. Mais Israël conserve le même rôle. Cela fait partie de son identité que d’être la tranchée avancée du monde libre et occidental… (...)