Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Non-Fiction
Il n’y a qu’une seule civilisation
La guerre des civilisations n’aura pas lieu. Coexistence et violence au XXIe siècle Raphaël Liogier Éditeur : CNRS
Article mis en ligne le 23 avril 2016
dernière modification le 19 avril 2016

Ce n’est pas une altérité indépassable entre civilisations qui est à l’origine de la violence terroriste actuelle.

L’expression « choc des civilisations » doit sa bonne fortune à Samuel Huntington. Dans un article de 1993 , il annonce l’avènement d’un nouvel ordre mondial dans lequel, toutes idéologies consommées, s’affronteraient des « civilisations » aux « cultures » inconciliables. Ces civilisations se définissent par leur religion de référence. Ainsi, la zone géographique « musulmane », ayant depuis trop longtemps baigné dans une culture serait irréductible aux enseignements et à la pratique occidentale libérale et démocratique, pourtant supposée universalisable. Aujourd’hui, les violences se réclamant de l’islam contribuent à entériner la vision d’une opposition inéluctable entre deux aires culturelles – musulmane au Moyen-Orient, chrétienne en Occident. Sommes-nous au cœur d’une « guerre des civilisations » ?

Au contraire, affirme Raphaël Liogier, la civilisation n’a jamais été aussi unique et globale et il s’emploie à montrer que ce sont plutôt les raisons du succès d’une telle thèse qui devraient nous interpeller. Ce succès est le signe de la vitalité de deux fantasmes qui se répondent et s’alimentent l’un l’autre : celui d’un islam cause unique de violence et de soumission a-raisonnable et celui d’un Occident monolithique, décadent et cupide. Il avance ainsi une autre compréhension de la violence terroriste : cette violence éclate à l’intersection entre l’essoufflement de la capacité des récits collectifs occidentaux à donner sens aux existences individuelles d’une part et l’embrasement des émotions collectives d’humiliation, de rancœur, de frustration économique et symbolique permis par le déploiement global des représentations et des désirs d’autre part.

Une civilisation globale occultée par des prismes déformants (...)

L’auteur semble diminuer, dans son analyse symbolique de la radicalisation violente, la dimension proprement religieuse. Abdelmalek Sayad disait au début des années 1990 du terrorisme islamiste sévissant en Algérie qu’il témoignait « d’attentes proprement eschatologiques » . Il est possible, en effet, qu’on ait signé un peu trop tôt l’avènement d’un monde sécularisé, et que nos catégories rationnelles d’entendement peinent à saisir le besoin de « salut » des individus.