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Non Fiction
Idi Amin Dada : dictature et cruauté
#dictatures #pouvoir #ouganda
Article mis en ligne le 3 juin 2023

Jean-Louis de Montesquiou livre une incroyable enquête sur Idi Amin Dada, dictateur ougandais à la cruauté irrépressible.

Que savons-nous des dictateurs ? Comment comprendre leur folie ? Jean-Louis de Montesquiou se fixe sur Amin Dada et enquête sur sa vie et ses innombrables exactions. Le résultat est passionnant. Cette biographie se lit comme un thriller, avec des rebondissements et des coups de théâtre. Il est vrai que le personnage principal adore se mettre en scène… C’est aussi, et surtout, une remarquable analyse géopolitique des années 1970. Toutes les grandes puissances sont là (Grande-Bretagne, États-Unis, France, Israël, Chine, URSS, Arabie Saoudite…) et peu glorieuses face à ce militaire massif et inculte qui va diriger l’Ouganda d’une poigne de fer durant huit ans, commettant assassinats et génocides ethniques, tuant lui-même, torturant, violant… Toutes les informations sont scrupuleusement vérifiées, l’auteur ayant interrogé des témoins et lu d’innombrables ouvrages de journalistes d’investigation et d’universitaires sur l’Ouganda et son leader controversé, la plupart en anglais. (...)

L’Ouganda est une marqueterie de royaumes, ethnies, langues, qui obtient son indépendance en 1962. Le colonisateur britannique continue néanmoins à contrôler l’économie de ce royaume de Baganda, qui devient une République en 1967, quand le premier ministre Milton Obote (1925-2005) renverse le monarque, Muteesa II (1924-1969), et assure la direction du pays, après avoir massacré 2 000 Baganda. Il place les hommes de son ethnie aux postes stratégiques, nationalise de nombreuses entreprises, impose le parti unique, créant de nombreux mécontentements, tout en encourageant la corruption. En 1971, un militaire, Idi Amin Dada (1925-2003), grand (1,93 m), puissant (120 kg à l’époque, puis 200 kg à la fin de son règne), non scolarisé, charmeur, courageux (il n’hésite pas à combattre physiquement ses ennemis), prend le pouvoir. Mais pour en faire quoi ? Il n’a aucune idéologie, sinon un anticommunisme et un anticolonialisme primaires, qui sur le tard s’enrichira d’un antisémitisme forcené.

Le pouvoir absolu l’enivre, il est heureux de tout décider, quitte à modifier ses ordres, juste après les avoir formulés… Soupe-au-lait, violent, paranoïaque, il ne cesse de vouloir dominer, en particulier les femmes, qu’il consomme sans restriction. Qui peut lister les viols qu’il a commis ? (...)

Jean-Louis de Montesquiou signe ici une excellente enquête, très bien écrite et surtout parfaitement documentée. Il tente d’expliquer le profil psychologique d’Idi Amin Dada, « meurtrier cruel, hypersexualisé et sans doute cannibale », et rappelle son origine sociale modeste, son absence de formation, sa détestation des « riches » et aussi des « intellectuels », par un complexe d’infériorité et aussi par une syphilis déjà mentionnée en 1955, « qui pourrait, ajoute-t-il, expliquer l’hypomanie du président ainsi que ses attaques de paranoïa, ses visions et sa schizophrénie, accompagnée sur le tard de paralysie partielle ». L’Afrique a connu plus de deux cents coups d’État en cinquante ans, l’Ouganda n’est, malheureusement, pas une exception. Après sa destitution, la guerre civile déchire le pays, au point où l’on dénombre, entre 1981 et 1986, 300 000 victimes. Si la presse occidentale s’amusait des frasques du dictateur, le dossier constitué par Jean-Louis de Montesquiou démontre à quel point le cynisme de certains gouvernements et d’affairistes s’en accommodait. On ne naît pas dictateur, on le devient.