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Hydrocarbures : le gouvernement a plié devant les intérêts miniers
Article mis en ligne le 11 septembre 2017

Présentant la loi sur les hydrocarbures, le gouvernement a cherché un effet de communication, mais en présentant une version inexacte du projet à la presse et aux ONG. Surtout, il a assoupli le texte, n’osant pas faire prévaloir l’intérêt général du climat sur les droits acquis des opérateurs miniers.

C’est un étrange pas de deux qui s’est joué la semaine dernière avec la présentation par le ministre Hulot du « projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures ».

Pour le dire sobrement, le ministre de la Transition écologique a communiqué le mercredi 6 septembre en diffusant aux ONG et à la presse des informations inexactes. Il avait annoncé le 6 juillet que tout nouveau projet de recherche et d’exploration des hydrocarbures serait interdit par une loi présentée dans l’année. Le 23 août, le texte du projet de loi était présenté au Conseil national de la transition énergétique, et c’est sur la base de ce texte qu’ONG, juristes et journalistes ont préparé les articles publiés le 6 septembre sur cette annonce. Une belle opération de communication, vraiment, sur le « comportement exemplaire » de la France dans la lutte contre le changement climatique.

Sauf qu’en fait, on se rendait compte le soir même que le texte transmis à l’Assemblée nationale n’était pas le même que celui sur lequel le gouvernement avait communiqué. Qu’il y avait eu un avis du Conseil d’Etat le 1 septembre, lui aussi seulement publié le 6 septembre au soir, qui avait conduit à modifier la première version. Et que, lorsque les ONG d’environnement, subodorant des évolutions, avaient interrogé le ministre lors d’une réunion à l’Elysée le mardi 5 février, celui-ci avait répondu que « quelques détails avaient été modifiés, mais que cela ne changeait rien ». (...)

« Au mieux, dit Nicolas Haeringer, de 350.org, c’est un problème de communication. Au pire, c’est une manipulation. »
Mais les raisons pour lesquelles le gouvernement a modifié le texte initial pose un problème de fond, qui va au-delà du mépris manifesté à l’exactitude de l’information. Au vu de l’avis du Conseil d’Etat, le gouvernement a choisi de modifier le texte du projet de loi, pour éviter de le voir censuré par le Conseil constitutionnel. Le Conseil d’Etat a ainsi proposé d’assouplir plusieurs dispositions pour préserver les droits des opérateurs miniers. Plutôt que de parler d’« interdiction », le texte présenté aux députés parle ainsi de « fin progressive ». Surtout, au lieu de prévoir que les concessions de recherche qui viendraient à expiration ne seraient pas renouvelées, on prévoit maintenant qu’elles pourront être renouvelées jusqu’en 2040. D’autres détails techniques amoindrissent l’ambition initiale. (...)

Le gouvernement, sur un tel sujet, pouvait prévoir l’approbation d’une Assemblée nationale presqu’unanime. Il aurait donc pu, au nom de l’intérêt général qu’incarne la lutte contre le changement climatique, maintenir un projet de loi fort, excluant notamment le renouvellement des concessions. C’est le choix qu’il n’a pas fait, anticipant une censure du Conseil constitutionnel qui dont la jurisprudence récente place souvent le droit de propriété au-dessus de tout. Mais en renonçant à mener ce combat, le gouvernement et le ministre ont choisi leur camp : une fois de plus, celui des intérêts privés.