
De nos jours l’économie impose souvent sa loi au politique. Ségolène Royal vient d’en faire l’expérience à ses dépens : ses appels au boycott de la pâte à tartiner Nutella , fabriquée avec de l’huile de palme, n’auront pas résisté longtemps à l’indignation de la société Ferrero ; elle a dû, bien vite, tweeter des messages d’excuses, sur un ton faussement badin, réalisant qu’un ministre de l’environnement dispose de bien peu de poids si la loi ou des règlements internationaux ne permettent pas de fixer un cadre et un support à ses déclarations et ses velléités d’actions.
Sa récente campagne contre le Round-up de la société Monsanto apparaît plus affirmée, plus volontaire et sans doute plus durable car elle s’appuie sur le récent classement de la molécule de glyphosate en cancérogène probable mais elle repose encore une fois essentiellement sur la bonne volonté des utilisateurs ( privés ou professionnels) car la substance active( la molécule de glyphosate ) n’est toujours pas interdite au niveau européen par l’EFSA, l’organisme qui délivre l’homologation. Le boycott ne peut être efficace que si les politiques, les citoyens et les consommateurs sont à l’unisson.
Mais, de temps en temps, il arrive que le politique prévale sur l’économique et qu’un gouvernement dicte sa loi à des dirigeants d’entreprises étrangères. Stéphane Richard, PDG de la société Orange, avait, on le sait, déclaré son intention de se retirer du marché israélien, sans doute conscient que l’image de son entreprise risquait d’être affectée par son partenariat avec Tsahal, l’armée israélienne, via sa filiale Partner, un des principaux opérateurs de télécommunications au sein de l’Etat hébreu (lire ici). C’était sans compter sur la réaction très vive de Benyamin Netanyahou et de l’ensemble du gouvernement israélien, particulièrement mobilisés contre la campagne internationale de boycott BDS. Avec toute la subtilité et le sens de la mesure qui caractérisent aujourd’hui la diplomatie israélienne, il est rappelé que le premier slogan des nazis était « n’achetez pas chez les juifs » ! On connaît la suite : l’intrusion inhabituelle de l’éthique dans la stratégie du groupe Orange aura finalement fait long feu. Stéphane Richard, évidemment désavoué par les autorités françaises, a été convoqué et rappelé à l’ordre par Benyamin Netanyahou ; il s’est piteusement excusé et a annoncé que son groupe allait développer ses activités en Israël. Le gouvernement, les citoyens et les consommateurs israéliens sont satisfaits : la campagne contre BDS les unit et leur offre un dérivatif puissant à l’absence totale de perspective résultant de la politique extrémiste et suicidaire de Netanyahou.
Mais cette affaire nous montre que le pouvoir politique peut, s’il le veut, garder la main sur le pouvoir économique. Détachée de son contexte, cette nouvelle pourrait être un motif d’espoir. . .
Car, aujourd’hui, le gouvernement d’Alexis Tsipras, légitimement élu, doit faire face au pouvoir économique représenté par le FMI et la BCE. Mais la Grèce est trahie par ses partenaires politiques au sein de l’Union européenne : Angela Merkel et François Hollande notamment exhortent le gouvernement grec à se soumettre au diktat des banques et de la finance. Les grecs doivent accepter l’assèchement de leurs services publics, la diminution de leurs retraites, la hausse de la TVA, les privations en tous genres.
Israël, avec l’assentiment des autorités françaises, ne saurait tolérer l’utilisation de l’arme économique à son encontre ni toute forme de boycott mais le peuple grec devrait par contre accepter l’assèchement de ses services publics, la diminution de ses retraites, la hausse de la TVA, les privations en tous genres, le boycott de produits aussi essentiels que les médicaments dont sont privés les hôpitaux, et une forme d’embargo rampant qui précipite dans la misère une grande partie de la population !
Le gouvernement et le peuple grecs sont à l’unisson ; les citoyens européens doivent désormais les aider à vaincre un pouvoir économique illégitime.