
2001 : la conférence de Durban, organisée par l’Unesco, avait pour objectif la lutte "contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée". Un certain nombre de pays du Sud, dont la Jamaïque, la Zambie, la Tanzanie, avançaient la nécessité de reconnaître les dégâts causés par la colonisation, et en particulier l’esclavage, et exigeaient réparation. Les États-Unis et les pays de l’Union européenne refusèrent ces revendications et profitèrent d’un débat sur le sionisme pour enterrer ce débat là.
2001 toujours, France. Adoption de la loi Taubira du 10 mai 2001 reconnaissant l’esclavage comme un crime contre l’humanité. À l’origine ce texte comportait un article 5 qui disait : "Il est instauré un comité de personnalités qualifiées chargées de déterminer le préjudice subi et d’examiner les conditions de réparation due au titre de ce crime..." Cet article sera rejeté et le texte adopté... à l’unanimité.
2003 Haïti. À l’occasion du bicentenaire de la mort de Toussaint-Louverture, le président Aristide fit un discours dans lequel il déclarait que c’était la France qui avait une dette envers Haïti et demanda réparation pour les dommages dus à l’esclavage et pour la rançon exigée en 1825 pour la reconnaissance de l’indépendance de l’île. Il demande à la France 21 685 135 571,48 dollars, soit la valeur capitalisée des 90 millions de francs or payés comme tribut tout au long du XIX° siècle.
C’est sur ces rappels d’actualité que débute le petit livre de Louis-Georges Tin "De l’esclavage aux réparations, les textes clés d’hier et d’aujourd’hui" aux éditions Les petits matins. Quelques mois plus tard il publie aux éditions Stock une version allongée de la préface de ce recueil, sous le titre : "Esclavage et réparations ; Comment faire face aux crimes de l’histoire...". L’occasion est belle de faire le point sur cette question, en particulier pour ce qui concerne Haïti.(...)
D’une grande actualité en France en particulier puisque L-G Tin rappelle à juste titre comment "la contre-offensive néocolonialiste répond[it] à l’offensive anticolonialiste". À la loi Taubira de 2001 répondit la loi de 2005 "portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés". Comme le dit Tin : "En 2001, on avait accepté le principe (l’esclavage est un crime contre l’humanité), mais refusé les conséquences (les réparations) ; en 2005, la majorité avait cédé sur le principe (l’article 4 sur le ’rôle positif’ fut finalement amendé), mais elle avait réussi à conserver les conséquences (les réparations pour les auteurs de la colonisation)". Rappelons également le débat initié par Sarkozy et un certain nombre d’intellectuels inféodés sur la "mode de la repentance".
D’une grande actualité puisqu’il faut toujours rappeler que les effets de l’esclavage et de la colonisation se font toujours sentir aujourd’hui. Le crime de la traite a causé un sous-développement endémique des anciennes colonies. Dans un cercle vicieux d’appauvrissement, ces derniers ont dû paradoxalement s’endetter envers les Institutions financières internationales et les États jadis négriers pour sortir de la pauvreté, alors que c’est le monde qui a, en fait, une dette envers eux.
La notion de "dette historique" reflète ce lien. La victoire juridique récente des Mau Mau du Kenya, victimes de la violence coloniale britannique, montre bien que ces questions ne sont pas réglées et qu’elles doivent l’être.
Le détour par le passé n’est jamais inutile pour comprendre le présent. (...)