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Regards
Grèce : rage et désespoir
Article mis en ligne le 2 mai 2015

Les deux semaines qui viennent vont sans doute être décisives pour décider du sort de la Grèce. Le gouvernement français prête activement la main à une politique de l’Europe aussi bête que brutale. Mais que fait la gauche ?

Le 24 avril, le conseil des ministres des Finances de l’Union européenne a maintenu son cap. Les ministres et la Commission continuent d’exiger du gouvernement grec ce qu’ils appellent « un plan de réformes économiques complet et détaillé » pour débloquer les 7,2 milliards d’euros correspondant à la dernière tranche du plan d’aide financière appliqué depuis 2010/2011. Et pendant ce temps le nœud coulant continue de se resserrer et l’asphyxie financière approche. (...)

La raison du plus fort

Yanis Varoufakis et ses collègues grecs ne cessent d’en appeler à la raison et à un compromis raisonnable. Mais il y a beau temps que, dans cette affaire, les dirigeants européens se sont assis sur la démocratie et sur les Lumières. Ils n’ont même pas pris la peine de dire en quoi consistent précisément leurs demandes. Ce que l’on en sait ne vient pas d’eux mais du gouvernement grec. Pour eux la politique ce n’est pas la confrontation et le libre échange des paroles et des idées pour partager des actes et agir en commun. C’est la loi du plus fort. La "négociation" entre la Grèce et les institutions de la Troïka ressemble fort à celle du loup et de l’agneau de la fable de la Fontaine.

Ainsi se perpétue le "viol d’Europe" par ses dirigeants politiques comme il s’effectue aussi par ailleurs dans le traitement de la question des migrants de la Méditerranée ou dans la négociation du Traité commercial transatlantique. (...)

bien entendu, ce gouvernement européen par les règles et par les nombres (ceux du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) venant après ceux du pacte de responsabilité) ne pratique jamais pour ce qui le concerne l’évaluation publique et argumentée des effets des politiques dont il impose la mise en œuvre. La note que Philippe Légé vient de publier pour les Économistes atterrés est tout à fait instructive. (...)

Cette "négociation" n’a en fait qu’un but : faire échouer toute idée de politique alternative en Europe, en imposant au gouvernement grec la mise en œuvre de nouvelles réformes antisociales. (...)

« La bêtise au front de taureau »

Cette politique de la force est aussi, comme c’est souvent le cas, celle de la bêtise au front de taureau. D’une part parce les "réformes" exigées ne résoudront pas les problèmes de la Grèce, au contraire. D’autre part parce que le blocage des négociations entraine la zone euro vers la catastrophe d’une nouvelle crise existentielle. (...)

Pour ma part, Je constate l’obstination, le courage et, me semble-t-il, l’intelligence politiques de Tsipras et de son gouvernement. J’entends bien que certains de ses amis comme Gabriel Colletis, qui connaît beaucoup mieux la Grèce que moi, lui font reproche de certaines erreurs, comme de n’avoir pas très vite décrété un moratoire sur le paiement des charges de la dette. Mais je n’ai pas de leçon à donner au gouvernement grec.

Par contre, ici et maintenant je constate que le gouvernement de François Hollande prête la main la plus active qui soit pour faire plier la Grèce et qu’il le fait pour qu’il ne soit pas dit qu’une autre politique est possible en Europe et que l’on peut avec succès changer le cours de sa politique et de ses règles. Comme me l’a dit un ami, « ce qu’il y a de bien avec ce gouvernement socialiste, c’est qu’à chaque fois on craint le pire et qu’on n’est jamais déçu ».

La rage et le désespoir ne viennent pas de là, mais du fait qu’il peut agir ainsi vis-à-vis de la Grèce dans une relative quiétude. La gauche politique et le mouvement social en France, savent que la défaite du gouvernement Syriza, quelle qu’en soit la forme (reddition ou sortie de l’euro) serait aussi la leur. (...)

Et surtout on attend toujours une initiative des responsables politiques de la gauche en France pour exiger du gouvernement qu’il cesse de vouloir imposer à la Grèce une politique inacceptable qui continuera de l’enfoncer et met en danger toute l’Europe. Et pour exiger qu’il s’implique au contraire activement dans la recherche d’une réponse viable et durable pour sortir la Grèce du piège de la dette [3]. Aider la Grèce, c’est aujourd’hui essayer de peser sur ce que fait, à son égard en Europe, le gouvernement français. Demain il sera trop tard.