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La Tribune
Grèce : la responsabilité du FMI mise au jour, mais tout continue comme avant
Article mis en ligne le 30 juillet 2016

L’instance de surveillance indépendante du FMI a mis en cause la gestion de la crise grecque par cette institution. Des critiques qui détruisent la narration officielle, mais ne la change pas...

Un peu plus de six ans après le début de la crise grecque, la narration officielle, le « storytelling » qui a été élaboré par les gouvernements et les institutions qui ont géré cette crise, tombe chaque jour un peu plus en lambeaux. Alors que la malheureuse Grèce, soumise à un troisième mémorandum signé voici un an avec ses créanciers, n’en finit pas de s’effondrer économiquement, le FMI, membre de la troïka qui a supervisé la gestion de cette crise, n’en finit pas de procéder à des mea culpa tardifs, mais sans appels.
Absence de discussions internes

Après avoir reconnu qu’elle avait sous-estimé les « multiplicateurs budgétaires », autrement dit l’impact de la consolidation budgétaire sur la croissance, pour la Grèce, l’institution de Washington avait récemment, dans un article de recherche reconnu les effets négatifs des politiques d’austérité imposées à Athènes. Ce jeudi 28 juillet, un nouveau rapport est venu critiquer le rôle pris par le FMI dans sa gestion de la crise grecque. Et il est sévère. Le Bureau indépendant d’évaluation du FMI (IEO) a publié un long rapport sur le « FMI et les crises en Grèce, au Portugal et en Irlande » qui dresse un constat : le FMI a agi sous la pression des intérêts de certains pays de la zone euro, contre ses propres intérêts et a cherché pour cela à court-circuiter le conseil d’administration. Cette procédure a clairement conduit à des erreurs d’appréciations majeures de la situation, notamment en Grèce.

Dans son rapport, l’IEO confirme notamment ce que, entre autres, la Commission de Vérité sur la dette grecque, établie au printemps 2015 par le parlement hellénique, avait pointé du doigt : pour faire passer le soutien financier à la Grèce du FMI malgré le caractère insoutenable de la dette grecque, la direction de l’institution a fait adopter discrètement une modification des critères d’accès à l’aide du FMI. (...)

L’IEO ne cache donc pas la soumission du FMI aux instances de la zone euro. Ceci pose, pour l’institution, la question de la nationalité de ses directeurs généraux. Le fait que le FMI ait été dirigé par un Français et l’est encore apparaît clairement comme une entrave à son bon fonctionnement, mais aussi à l’efficacité de ses politiques. Il est sans doute temps de donner aux pays dits émergents leur chance au sein du Fonds.
Destruction de la narration officielle

En attendant, cette soumission à la zone euro a eu des conséquences majeures pour la Grèce : nul ne s’est opposé aux décisions prises par Paris et Berlin pour « sauver la zone euro » et nul n’a vraiment apporté un esprit critique sur ses plans d’aide. Cette soumission du FMI a permis le développement du storytelling officiel : la faute est grecque. (...)

En refusant la réalité par sa soumission politique, le FMI a donc été une des causes de la crise grecque. C’est une destruction en règle de la narration officielle.

Le rapport de l’IEO confirme donc ce que la Commission sur la dette grecque de 2015 avait établi sur 2010 : un déni de réalité a dominé les décisions d’alors, alimenté par des intérêts politiques dans les grands pays de la zone euro. Ce déni de réalité est devenu une vision officielle qu’il a fallu maintenir à tout prix et a conduit à l’effondrement de la Grèce. Le FMI a contribué à cette situation. (...)

La logique actuelle continue de dominer

En réalité, rien n’a changé. La politique du troisième mémorandum et du troisième mémorandum « et demi » imposée à la Grèce en août 2015 et encore en juin 2016 viennent le confirmer. Aucune critique n’a été réalisée au sein de la zone euro sur les politiques menées. L’Eurogroupe continue de dominer le jeu et d’imposer sa logique de consolidation budgétaire et de réformes structurelles à une économie exsangue. (...)

Au final, le rapport de l’IEO est un élément important pour écrire l’histoire. Mais certainement pas pour la changer.