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Grèce, année 0 : Survivre face à la crise, par Pierre Salignon, directeur général de Médecins du Monde
Article mis en ligne le 2 août 2011

Exclus de la crise et chômeurs dans l’incapacité de se soigner et de travailler, travailleurs migrants
sans papiers établis dans le pays ou tout juste en transit, usagers de drogues stigmatisés et
précarisés, tous sont les laissés pour compte d’un pays désormais insolvable, au bord du
précipice, qui supporte en outre quasiment seul le fardeau de la politique européenne
d’immigration (il accueille la majorité des nouveaux entrants en Europe, mais aussi les sanspapiers
que le reste de l’Europe lui renvoie)4. Pour circonscrire l’incendie, l’Europe a décidé de
sauver le système (financier)… mais oublie les plus faibles, comme elle a choisi de contrôler les
flux migratoires… et criminalise les migrants qui fuient la pauvreté et la guerre. L’Union
Européenne oublie inexorablement ses valeurs fondatrices d’accueil, de solidarité et de défense
des droits de l’homme.

derrière les immeubles du front de mer, un jeune migrant nous conduit là où
il vit ; un terrain de la société nationale des chemins de fer sur lequel, plusieurs centaines de
sans-papiers sont installés. Entre les voies ferrées, alors qu’un train régional quitte la station,
des passagers circulent dans l’indifférence générale entre les dizaines de matelas et de nattes
posés à même le quai. A proximité, plusieurs wagons désaffectés sont devenus le refuge de
migrants qui se protègent des intempéries. Un village des « sans droits » a vu le jour ici depuis
des mois. Les conditions d’hygiène sont d’un autre âge.
Soudanais, somaliens, mauritaniens, parfois tunisiens, ils disent tous la même chose : la difficulté
de vivre ici dans les détritus et sans ressources, l’impossibilité de trouver du travail « à cause de
la crise qui frappe la Grèce ». Ils témoignent des descentes de la police pour les disperser, et de
l’ambiance xénophobe. Ils sont bloqués ici depuis plusieurs mois, certains depuis plus d’un an.
Ces hommes sont des « échoués » des accords de Dublin II ; arrêtés en Italie, en France en
Angleterre ; ou ailleurs, et renvoyés vers le pays qui les a vu le premier rentrer sur le territoire
Schengen, la Grèce. .(...)

Revenus à Athènes, nous visitons un dispensaire8 ouvert en avril 2011 par MdM dans le
quartier populaire de Perama au Nord de la capitale. La situation n’est pas meilleure ici. Cette
fois ci, ce sont des familles grecques pauvres, pour qui la situation économique n’a cessé de se
détériorer depuis 2008, et en particulier ces derniers mois, qui viennent se faire soigner
gratuitement. L’espace est spacieux, prêté par le Lions’ Club local ; la salle d’attente encore vide
quand nous arrivons. Les médecins, tous bénévoles, offrent des consultations pour les femmes et
les mères enceintes, ne bénéficiant d’aucun suivi de grossesse dans le service public, faute
d’assurance maladie, de droits ouverts ou simplement parce qu’à l’hôpital « plus rien ne
fonctionne normalement », dira l’une d’entre elles. Les médicaments distribués sont des
donations. Une trentaine de personnes se présentent chaque matin actuellement.(...)

Le système d’assurance maladie en Grèce est récent (depuis la fin de la dictature) et complexe9.
Il souffre d’une bureaucratie étouffante, ne laissant à chacun le choix que de se débrouiller dans
un pays à l’économie informelle, royaume du système D. D’après une patiente, faute de
couverture médicale et sociale, « les soins médicaux sont payant, y compris pour les enfants, et
le centre de soins gratuits de la municipalité a fermé pour des raisons financières ». Avec la
crise, le chômage a doublé rapidement, et nombreux sont les fonctionnaires et les salariés de la
zone portuaire désormais sans emploi. La situation des familles ne cesse de se dégrader comme
le souligne un des docteurs présents : « nous distribuons désormais des produits nutritionnels
enrichis pour certains petits enfants ; les familles les plus précaires n’arrivent plus à faire face et
nous avons identifié des cas de sous nutrition ». Il ajoute de façon provocante et non sans
malice : « tu sais, dans l’avenir, si cela continue, il faudra que les ONG qui agissent en Afrique
ou ailleurs viennent ici pour nous aider ».

En Grèce, les plus précaires sont les « oubliés » de la crise économique et sociale qui frappe le
pays.

Pour eux, pas de plan de sauvetage européen. Juste une lutte quotidienne pour la survie et
pour tenter de préserver leur dignité.(...) Wikio