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Grèce : Les « institutions » sont toujours dans l’illégalité
Article mis en ligne le 17 mars 2015

La Grèce est censée payer 6 milliards d’euros à ses créanciers au cours du mois de mars. C’est davantage que le prêt de 4,1 milliards que le gouvernement espère obtenir fin avril, suite à l’accord conclu avec les autres Etats de la zone euro. Cet accord signé le 20 février prolonge de quatre mois le programme signé par le gouvernement précédent et la Troïka (FMI, BCE et Commission européenne) rebaptisée “institutions”. Celles-ci débloqueront cette tranche de 4,1 milliards d’euros à condition qu’elles acceptent les réformes que le gouvernement grec leur présentera. Dans cet accord, le gouvernement s’est également engagé à payer l’intégralité de sa dette dans les délais

Pourtant cette dette est largement contestable. Le 4 mars, la présidente du Parlement grec, Zoe Konstantopoulou, a d’ailleurs annoncé la création d’une commission d’audit afin d’identifier le caractère odieux, illégal ou illégitime des dettes contractées par les précédents gouvernements. Compte tenu du poids de cette dette, une suspension de son paiement pendant la durée de cet audit paraît la meilleure option. Cette possibilité est même fondée légalement.

Compte tenu de la crise économique, sociale et humanitaire, le gouvernement grec serait parfaitement en droit d’invoquer l’argument juridique de l’ « état de nécessité » pour suspendre les paiements. L’état de nécessité correspond à une situation de danger pour l’existence de l’État, pour sa survie politique ou sa survie économique. La survie économique se réfère directement aux ressources dont un État peut disposer pour continuer à satisfaire les besoins de la population, en matière de santé, d’éducation, etc. Or, près d’un tiers de la population est actuellement sans converture de santé et le taux de chômage atteint 29 % de la population active (60 % chez les jeunes). Depuis l’intervention de la Troïka en 2010, les salaires ont baissé de plus de 30 %, 40 % des hôpitaux sont fermés, le taux de mortalité infantile a augmenté de 43%, etc.

Cette possibilité de suspendre unilatéralement les paiements s’appuie également sur l’obligation de tous les Etats à faire primer le respect des droits humains sur ses autres engagements comme ceux à l’égard de créanciers.

Ce devoir est notamment rappelé par l’ancien Expert de l’ONU sur la dette, Cephas Lumina |2| et par le Comité européen des droits sociaux. Dans sa décision du 7 décembre 2012 |3|, ce comité saisi d’une plainte de la Fédération des pensionnés grecs a condamné l’Etat grec pour avoir violé la Charte sociale européenne en appliquant les mesures contenues dans l’accord avec la Troïka. Les réductions radicales du montant de ces pensions (autour de 30%) depuis 2010 étaient, selon cette décision, de nature à entraîner une dégradation significative du niveau et des conditions de vie d’un nombre important des pensionnés. Affirmant que tous les Etats en Europe sont tenus de respecter la Charte sociale européenne en toute circonstance, le comité a rejeté l’argument de défense du gouvernement grec selon lequel il ne faisait que mettre en oeuvre l’accord avec la Troïka.

Face à une incompatibilité entre deux types d’engagements, les gouvernements sont donc tenus de privilégier le respect des droits humains et de ne pas appliquer les accords qui conduisent à leur violation. Cette obligation est également inscrite à l’article 103 de la Charte de l’ONU |4|. Le droit européen et international légitimerait ainsi des actes unilatéraux de la Grèce même si l’accord du 20 février interdit toute action unilatérale du gouvernement grec |5|.

De tels actes unilatéraux destinés à répondre en priorité aux besoins de la population (comme un moratoire sur la dette, le relèvement du salaire minimum, la renationalisation des secteurs privatisés, etc) sont d’autant plus justifiés que les programmes conclus avec la Troïka depuis 2010 sont illégaux au regard du droit européen et internationaux.

D’une part, les Traités européens n’autorisent pas la Troïka à légiférer sur le droit de grève, la santé, le droit d’association, l’éducation et la réglementation des niveaux de salaire. D’autre part, la Troïka a violé de façon manifeste une série de droits humains comme nombre de rapports et d’études juridiques l’ont clairement démontré (...)

« les décideurs du FMI ont été mis en minorité par le directeur du FMI de l’époque, Dominique Strauss-Kahn qui briguait alors la présidence en France et ne voulait donc pas imposer de pertes aux banques françaises. De leur côté, les banques allemandes ont convaincu Angela Merkel qu’il serait dramatique qu’elles perdent de l’argent. Alors les gouvernements de la zone euro ont décidé de faire comme si la Grèce traversait seulement des difficultés temporaires ». Pour cela, ils ont « contourné un principe essentiel de la clause de Maastricht, la clause de non-renflouement. Ils ont prêté de l’argent à Athènes, non pas pour sauver la Grèce, mais pour sauver les banques françaises et allemandes qui avaient eu l’inconscience d’accorder des prêts à un État insolvable ».