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Grèce : L’introuvable « retour à la normalité
Article mis en ligne le 13 juillet 2019
dernière modification le 12 juillet 2019

Presque unanimement, tant les médias grecs et internationaux que les leaders des principaux partis grecs ont commenté les résultats des élections du 7 juillet 2019 en célébrant “le retour à la normalité” du pays dont la crise a défrayé la chronique européenne pendant la dernière décennie. Retour donc à la normalité car l’addition des scores de Nouvelle Démocratie (39.9 %) et de Syriza (31,4 %) donne un écrasant 71,3 % en faveur du bipartisme qui semble revenir en force après un intermède chaotique qui a vu des masses de citoyens abandonner les partis de leur vieux bipartisme traditionnel et se déplacer pratiquement d’une extrémité à l’autre du paysage politique en des temps record !

Et aussi, quelle meilleure preuve de la réalité de ce retour à la normalité que l’absence des députés de la très néonazie Aube Dorée des bancs du nouveau Parlement hellénique, ce qui annoncerait (?) la fin de ce pur produit d’une période agitée, mais désormais révolue...

Alors, “retour à la normalité” ? Oui, sûrement, mais seulement en apparence. Et tout d’abord, parce que la crise historique (économique, mais aussi sociale et politique) qui a fait naître une Grèce qui ressemblait à l’Allemagne de Weimar comme deux gouttes d’eau, est toujours ici, indifférente aux exorcismes et autres vœux pieux que lui adressent quotidiennement ceux exactement des Grecs et des étrangers qui l’ont provoquée et nourrie. (...)

publique grecque, que tous ont appelé - et avec raison - “mère de tous les maux”, n’a pas disparue et continue à étrangler, à gangrener et à faire chanter le pays tant que ceux qui le dirigent (de droite ou de gauche) ne font rien de concret pour affronter le problème à sa racine et refusent obstinément d’auditer cette dette afin d’annuler sa plus grande partie manifestement illégitime.

Mais, pourrait-on rétorquer, la plupart des conséquences politiques de cette crise historique semblent avoir disparu ou tout au moins, rendues inoffensives, Aube Dorée en tête. Oui, effectivement la menace de l’Aube Dorée semble s’éloigner pour de bon et son concurrent direct dans le milieu ultra-raciste et néo-fasciste qui est la Solution Grecque (déjà en crise) parait bien minable et clownesque pour qu’on la prenne au sérieux. Cependant, bien naïf celui qui tirerait de tout ça la conclusion que l’extrême droite grecque a disparu comme par un coup de baguette. En réalité, elle est toujours ici, bien présente et dangereuse, mais peut-être moins visible que par le passé récent car cachée à l’intérieur du parti de la Nouvelle Démocratie dont elle constitue une aile très importante. (...)

La question (cruciale) qui se pose est donc si, quand et comment cette « sensibilité » extrémiste de droite pourra et voudra se manifester ouvertement pour peser de façon autonome sur la vie politique du pays. (...)

l’existence d’un fort courant extrémiste de droite a l’intérieur de ND représente une véritable bombe à retardement. Et cela d’autant plus que le contexte européen et mondial marqué par la montée en flèche d’une extrême droite agressive, favorise l’autonomisation de ce genre de courants et leur constitution en partis à la droite de la droite traditionnelle. (...)

En attendant, Syriza restera donc un parti électoral, sans base organisée et dépourvu des moyens matériels pour contrôler les masses des Grecs qui ne croient plus à rien et à personne, et qui pourraient transformer à tout moment leur résignation (fruit des défaites historiques successives de ces 8-9 derniers années) en colère violente qui explose de façon chaotique ! (...)

on peut désormais légitimement considérer que les élections du 7 juillet ont scellé la faillite définitive des formations créées il y a quatre ans, pour se démarquer du virage à droite de Tsipras et offrir une alternative de gauche à Syriza. Leurs résultats électoraux - en chute libre - sont plus qu’éloquents (...)

Le bilan de la gauche grecque, toutes sensibilités et courants confondus, au lendemain des élections du 7 juillet et surtout, 10 ans après l’éclatement d’une crise qui a vu le peuple grec se révolter en masse et abandonner ses partis traditionnels avant d’installer au pouvoir « le premier gouvernement de gauche de l’histoire du pays », peut se résumer en deux mots : QUEL GÂCHIS !

Quel gâchis tout d’abord de cette expérience mondialement unique de l’alliance durable d’une douzaine d’organisations d’extrême gauche avec un petit parti eurocommuniste pour fonder ensemble Syriza. Et quel gâchis de ce « premier gouvernement de gauche » dont la direction a trahi non seulement le résultat du referendum du 5 juillet 2015, transformant le non puissant du peuple grec aux memoranda des créanciers à un oui combien servile, mais aussi et surtout la confiance des millions de gens en Europe et de par le monde qui avaient investi leurs espoirs d’un monde meilleur et plus humain, sans austérité, racistes et fascistes, aux Grecs de Syriza. Bien que l’on ait déjà vu se répéter mille fois depuis un siècle - en Grèce et partout ailleurs - la tragédie de ces directions de gauche qui s’empressent de courber l’échine et de se rendre à l’adversaire de classe, on ne peut pas maintenant s’empêcher de se sentir profondément indignés, blessés mais aussi révoltés devant l’ampleur du désastre...