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Greek crisis
Glissements et glissades
Article mis en ligne le 13 avril 2013

Les glissements et les glissades de toute sorte s’installent peu à peu dans notre quotidien sous le régime de la Troïka. Ce qu’il reste des droits liés au travail est balayé, tout comme le travail, lui-même. Maria, 36 ans, journaliste au chômage rencontrée au centre d’Athènes cette semaine, s’apprête à quitter la Grèce pour le Qatar, son frère y est déjà depuis un mois : “Je n’en peux plus. Je vis actuellement en vendant mes biens, meubles, bijoux ou livres. Cette situation ne peut plus durer. Je n’ai plus envie de rien, ni lutter, ni manifester, ce ne sont pourtant pas les raisons qui manquent, mais avant tout, je dois m’assurer de ma propre survie, précise et concrète, c’est-à-dire, pouvoir me nourrir chaque lendemain. J’ai vu dans un reportage qu’à Thessalonique on embauchait pour un travail de bureau à mi-temps et le salaire proposé c’était 180 euros par mois. Il y a eu pléthore de candidats et le poste a été aussitôt attribué. Celui qui l’a décroché finalement, il s’est proposé pour 120 euros par mois. C’est ainsi que je réalise alors combien nous sommes déjà pulvérisés et réduits à néant, je vais partir”.

(...) J’avais rencontré Maria en marge de la manifestation du personnel de l’Organisme contre la drogue, OKANA, encore une structure en état... de démolition. Et à deux pas du lieu de la manifestation, c’est sur la place d’Omonoia que les premiers touristes de l’année 2013 prenaient un bain de soleil... et d’antithèses. Entre Monastiraki et Omonoia par la rue d’Athéna, nos touristes découvrent alors au regard parfois étonné, nos vestiges et nous-mêmes, les vestiges de nous-mêmes, comme ces mendiants, handicapés, malades ou âgés dont parfois les pieds portent les stigmates des plaies ouvertes. La crise, le glissement vers la deshumanisation, les boutiques fermées telles nos vies, les immeubles de plus en plus délabrés et à vendre, n’échapperont plus aux visiteurs du pays... malgré tous nos efforts évidement. (...)

Ce qui ne veut pas dire que la Grèce n’est plus un pays accueillant, bien au contraire, sauf pour les promoteurs immobiliers allemands et les “investisseurs” dans les mines d’or, grecs et canadiens. Car on apprend par exemple que “huit fois sur dix, les promoteurs immobiliers allemands qui se sont rendus en Crète ce dernier temps à la recherche des biens bradés, ont été chassés par les habitants, ce qui est nouveau. (...)

En règle générale, les habitants refusent d’emblée tout contact avec ces promoteurs, et de leur côté, les promoteurs allemands devenus si brusquement indésirables, s’interrogent à leur tour, sur ce qui aurait changé depuis trois ans pour que le comportement des grecs soit si différent désormais (...)”, reportage du quotidien Elefterotypia, le 12 avril. Déjà que les rares touristes allemands chez nous, se font de plus en plus souvent passer pour des citoyens autrichiens, cela présage bien sur les perceptives... d’avenir ! Les élites de l’Allemagne actuelle ont pris les rênes de l’européisme désormais mortel pour les droits sociaux, pour les régimes démocratique et finalement... pour la vie des autres dans au moins une partie du continent, pour s’attaquer finalement aux existences individuelles et collectives avec une violence que l’on croyait alors historique. C’est ainsi, que les identités sociales, professionnelles et in fine nationales sont et se sentent attaquées, d’où les réactions, dont certaines, ont été remarquées par les promoteurs immobiliers allemands en Crète. (...)


Nous voilà bien au cœur du problème
 : paupérisation, destruction du travail et de son cadre, obligation à accepter des salaires indignes, fin des droits sociaux et de la citoyenneté, destruction des souverainetés nationales, et tout cela se résumerait alors en un seul mot : indignité. (...)

“il n’y a qu’une bonne junte militaire qui nous sortirait de la dictature actuelle”. Le plus etonnant, c’est qu’à part Christos, je constate que d’anciens militants de gauche et résistants du temps des Colonels, ne disent pas autre chose parfois. Effectivement, glissades et glissements par temps d’austérité et sous suzeraineté allemande au sud de l’Europe, le temps historique est fort finissant. (...)

C’est une course contre la montre qui s’engage desormais comme souvent dans l’histoire, avant ou pendent une grande guerre. La tyrannie de fait, initiée par les élites allemandes, et par les élites tout court évidement, en dehors de tout cadre de souveraineté populaire est alors imminente. Les récents transferts de souveraineté en matière de politique budgétaire au sein de l’Union européenne, constituent un pas décisif dans cette direction, tout comme la religion de l’austérité et ses croisades. D’où sans doute, “la très grande bataille contre les paradis fiscaux”, ainsi que les récentes “révélations” de la presse mainstream à ce sujet. Sauf que les dits “paradis fiscaux”, ne sont pas la cause, mais le résultat des politiques imposées par les Traités de l’U.E. (...)

Nous sentons l’histoire se précipiter sur nous, notre société agonisante lutte comme elle le peut... et la révolution n’arrive pas. Nos gentilles (sans ironie) gauches sont déjà bien derrière les faits angulaires du futur proche. Les journaux de la grande gauche parlementaire et des petites gauches de la rue rivalisent d’idées, souvent intelligentes mais surtout, impuissantes (...)

Au Nord de la Grèce à Ierissos, des policiers cagoulés, ont brisé il y a trois jours, les portes de certaines demeures, pour ainsi arrêter et conduire jusqu’aux locaux de la police de Thessalonique, des habitants qui s’opposent à “l’investissement” de l’entreprise gréco-canadienne Eldorado Gold (...)

Depuis deux jours, les habitants d’Ierissos ont mis en place de barrages autour de leur localité, ils ont également saccagé le commissariat de la police de la ville, obligeant la direction de la police... à délocaliser ses forces. En Europe, en Grèce, et à Ierissos, nous vivons une guerre sociale et sociétale, déjà “à bas voltage” comme on dit parfois. (...)

Temps mauvais et temps maladif. Les grecs qui ont encore de l’argent achètent des pièces d’or, et ceux qui en sont dépourvus, en nombre écrasant, en vendent. La dernière trouvaille des “entreprises achat-or”, consiste à faire sillonner la Grèce des campagnes à leurs employés pour ramasser les bijoux, les alliances, voire les dents en or d’après certains reportages (semaine du 8 avril sur Real-FM par exemple). C’est aussi en cela que nous nous trouvons dans une société et une économie de guerre. D’autant plus, qu’une partie de cet or serait “gentiment” acheminé vers la métropole, à savoir l’Allemagne. Hier jeudi 11 avril par exemple, un citoyen allemand, âgé de 31 ans, a été arrêté à l’aéroport d’Athènes avec 8,5 kilos d’or et 300.000 euros en liquide en sa possession, mais sans justificatifs. Selon le reportage (Elefterotypia du 12 avril), il serait également lié à un trafic de 470 kilos d’argent massif, qu’il a tenté à acheminer vers l’Allemagne à bord d’un avion Lufthansa en utilisant des faux certificats. Voilà que l’Europe devient à la fois l’Eldorado et le Far West, qui l’aurait cru ? En tout cas, pas nos mendiants, nos malades dans les rues, nos sans abri ici, ailleurs, et également en Allemagne, où on commence par connaître le destin réservé à ces travailleurs qui survivent à 400 euros par mois, qui plus est, dans un régime de terreur sociale. Tel est le “modèle vertueux” allemand (et pas uniquement), imposé à la dite “Europe unie”. (...)

Heureusement que nos artistes, nos acteurs, nos musiciens s’inspirent toujours de l’œuvre de Mikis Theodorakis. Heureusement que nous nous occupons encore de nos animaux adespotes, déjà car eux, ils n’ont pas de maîtres. Heureusement aussi que nos plages sont déjà fréquentées et que les baignades reprennent, certes timidement. Au centre-ville délabré, un nouveau bistrot vient de naître, ses initiateurs utilisant des meubles de récupération. En face, dans une maison en ruines, des immigrés survivent aussi comme ils le peuvent. La différenciation sociale ne disparait pas par temps de crise sous prétexte que tout le monde est touché. (...)

Heureusement surtout que le temps changera mais peut-être au prix d’une catastrophe de plus (et de trop ?) Les Allemands reviendront en Grèce en authentiques visiteurs et non pas en promoteurs immobiliers, ni en chercheurs d’or, les Italiens ne se suicideront plus, les Espagnols retrouveront du travail et leur dignité et l’Union Européenne n’existera plus, pour donner enfin naissance à une certaine Europe ou plutôt à une Europe certaine. Post mortem ?