
Depuis quelques jours, une cinquantaine de familles sans domiciles ont investi un ancien Ehpad désaffecté à Cenon, à proximité de Bordeaux. Le collectif d’associations qui les soutient demande aux pouvoirs publics une solution à long terme.
Il n’y a ni eau courante, ni chauffage, ni électricité, mais pour Valbona et sa fille Almeida, l’installation dans un ancien Ehpad à Cenon est déjà un progrès.
Car avec la baisse des températures et les intempéries des derniers jours, dormir sous la tente devenait de plus en plus critique pour cette famille arrivée d’Albanie depuis un an.
Il y a quelques jours, avec l’aide d’un collectif d’association, comme Valbona et sa fille, une cinquantaine de familles se sont installées dans cette ancienne maison de retraite.
Ce samedi, une opération de soutien était organisée, visant également à améliorer les conditions d’installation des occupants. (...)
"Il faut quand même savoir qu’il y a là des personnes en situation régulière, avec des autorisations de travail, et qui travaillent, pour certaines", souligne Brigitte Lopez, du comité de soutien aux expulsés.
"Dans une métropole si riche qu’est la métropole bordelaise, il est invraisemblable que des gens dans des situations comme ça soient encore à la rue" s’indigne-t-elle.
L’occupation des lieux par ces familles n’est cependant pas envisagée comme une solution à long-terme.
Le collectif d’associations demande aux pouvoirs publics la mise en place d’un programme de création de logements d’urgence sur l’agglomération bordelaise.
Durant l’été, de nombreux squats où vivaient les personnes sans domicile à Bordeaux ont été évacués
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« Réquisition solidaire » d’un ancien foyer pour personnes âgées à Cenon
Sur le parvis de la cathédrale place Pey Berland, Michdina se penche pour ramasser le ballon lancé par sa sœur Souvda, et retourne se serrer contre les hanches de sa mère qui s’inquiète. Il est bientôt midi ce samedi et personne n’est encore arrivé au rassemblement.
Bonnet vissé sur la tête, Stam, 24 ans s’approche pour les rassurer. Accompagné par les membres du collectif des expulsés, c’est lui qui conduira la jeune Mongole et ses parents vers leur nouvel hébergement.
Le cortège se rend à Cenon sur les lieux de l’ancien foyer pour personnes âgées de Ramadier, dont la réquisition doit permettre le relogement de 160 personnes, parmi lesquelles 70 enfants et une quarantaine de familles, jusqu’ici livrées à la rue et à la débrouille suite à la vague d’expulsion qui a secoué les squats de la métropole l’été dernier. En coulisse, l’opération est préparée dans le plus grand secret depuis plusieurs mois. (...)
Avant de monter dans le tram qui les conduira sur les lieux, Malik, un demandeur d’asile soudanais de 42 ans raconte à Hamid, kabyle rieur d’une cinquantaine d’année, le chemin qu’il a dû parcourir pour arriver à Bordeaux. Les deux amis échangent en arabe, mais aussi en français que Malik apprend à raison de 4 leçons par semaine grâce aux leçons du Collectif pour les Migrants de Bordeaux (...)
La police en échec
Une fois arrivées à Cenon et entrées dans la résidence Paul Ramadier, un ancien foyer pour personnes âgées, les familles peuvent compter sur le soutien des associations qui les épaulent dans leur démarche (Collectif Bienvenue, RESF 33, Médecins du monde Bordeaux, DAL33, Les Enfants de Coluche…).
Pour compléter l’installation, les membres du comité de soutien donnent un coup de balai à gauche, rassurent un enfant à droite. C’est la première fois qu’ils pénètrent dans ce lieu investi en milieu de semaine par les premières familles. Surtout, ils font obstacle à la police qui tente pendant de longues minutes de pénétrer dans les locaux, « bien que cela leur soit interdit », affirme Daniel, du DAL33 : (...)
Devant la grille qui délimite la propriété, l’ancien candidat du NPA à la présidentielle, Philippe Poutou, discute avec les membres du comité de soutien, devant le regard des agents de police.
« Il faut encourager les réquisitions solidaires. Aujourd’hui, il y a des possibilités de relogement en s’appropriant les locaux vacants de la métropole. Les maires ont des possibilités mais ne les exploitent pas, regrette-t-il. C’est navrant de voir qu’il faille les mettre au pied du mur pour que quelque chose se passe, mais c’est comme ça, il y a ceux qui parlent et ceux qui agissent. »
(...)
Comment vont désormais réagir les pouvoirs publics ? Une fois arrivé sur les lieux, le maire de la ville, Jean-François Egron ne peut que constater l’occupation :
« Je peux comprendre que ces gens vivent dans des conditions difficiles mais je vais tout de même rentrer en contact avec le propriétaire des lieux et la préfète. Si on s’en tient à 40 familles, ça sera compliqué que la ville s’en occupe seule », affirme-t-il.
Situé au cœur du centre commercial à l’allure défraichie de la Morlette, l’ancien foyer pour personnes âgées est aujourd’hui propriété de Pichet Investissement. Cette société devrait bientôt déposer un permis de construire sur la zone afin de bâtir de nouveaux logements. Mais cette situation ne décourage pas les occupants des lieux. Il y a un déjà, la Zone du dehors était elle aussi menacée par un projet immobilier ; elle résistera finalement près de 10 mois avant que ses occupants soient expulsés.