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l’ Humanité
Gideon Levy« Comment parler de paix et construire des colonies ? »
Article mis en ligne le 5 février 2010
dernière modification le 4 février 2010

Né en 1955, à Tel-Aviv, journaliste israélien et membre de la direction du quotidien Haaretz, Gideon Levy dénonce inlassablement les violations commises contre
les Palestiniens 
et le recours systématique 
à une violence 
qui déshumanise 
les peuples dressés l’un contre l’autre.

...Quand on lit vos articles, on se dit que vous y allez fort dans la critique d’Israël, beaucoup plus que ce que peuvent se permettre la plupart 
des journalistes français…

Gideon Levy. Je sais. J’ai donné une fois une interview à TF1 et après cela, le journaliste m’a téléphoné pour s’excuser de ne pas pouvoir diffuser mes propos car s’il le faisait, il serait accusé d’antisémitisme et il aurait des ennuis. J’ai donc de la chance d’être dans un journal qui me laisse toute liberté et qui m’a toujours soutenu, même s’il arrive souvent que des lecteurs protestent et même se désabonnent à cause de mes articles...

...Il n’y a qu’une seule raison à mon attitude. À la fin des années 1980, au moment de la première Intifada, j’ai commencé à visiter les territoires occupés, à la fois la Cisjordanie et la bande de Gaza. Semaine après semaine, j’ai réalisé qu’il se passait là un drame, mais un drame dont personne en Israël ne voulait entendre parler. Si je n’étais pas allé dans les territoires occupés à ce moment-là, je ne serais pas devenu ce que je suis. Je serais comme la majorité des Israéliens....

...Il n’y a aucune perspective parce qu’Israël n’a payé aucun prix pour l’occupation et la colonisation des territoires palestiniens. Donc, cela va continuer. Il n’y a pas de pression suffisante pour que cela change, ni de l’intérieur où le camp de la paix est très faible, ni de l’extérieur. Obama a échoué à faire plier Netanyahou et se désintéresse de la question. L’Europe le suit et ne fait rien. Elle porte une très lourde responsabilité dans ce qui est arrivé à Gaza et dans la poursuite du blocus qui étrangle un million et demi de Palestiniens. Elle leur avait promis qu’il serait levé, qu’il y aurait des fonds et des moyens pour la reconstruction. Il n’y a toujours rien et Gaza est à nouveau complètement oublié. Va-t-il falloir à nouveau des Kassam pour qu’on s’y intéresse  ? C’est cela qui est terrible.

N’y a-t-il pas un espoir de voir 
la justice internationale s’en mêler après le rapport Goldstone  ?

Gideon Levy. Non, les États-Unis vont le bloquer. Le rapport dit qu’il y a eu crimes de guerre, ce qui veut dire qu’il y a des criminels de guerre. Normalement, c’est à Israël de les juger, comme le demande le rapport. Mais Israël refuse et c’est donc au monde de le faire. Où est-il aujourd’hui, ce monde qui a applaudi le juge Goldstone quand il s’occupait des Balkans et du Rwanda  ? Pourquoi a-t-il une attitude si différente lorsqu’il s’agit d’Israël  ? C’est pourtant le même juge, avec la même compétence et le même sérieux. Mais les Américains ne le laisseront pas aller jusqu’au bout parce qu’ils soutiennent Israël et parce qu’ils ont peur pour eux-mêmes, à cause de leurs propres crimes en Irak et en Afghanistan.