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OrientXXI
Gaza. Une catastrophe sanitaire délibérément entretenue
Article mis en ligne le 31 mars 2019

· De passage à Paris dans le cadre d’une tournée d’information qui le mènera aussi à Tunis et à Londres, Tarek Loubani, médecin urgentiste canado-palestinien et professeur à Western University en Ontario, réagit au rapport des Nations unies sur les crimes commis durant « la Grande Marche du retour ». Il décrit la situation humanitaire désastreuse à Gaza. Il est l’un des meilleurs connaisseurs de la situation intérieure de la bande de Gaza, où il s’est rendu à plus de 25 reprises

Tarek Loubani. — La situation sanitaire à Gaza est désastreuse et elle s’aggrave encore. Depuis la Grande Marche du retour (voir encadré), ce qui était un désastre à développement lent est devenu une catastrophe manifeste et actuelle. Le blocus a éliminé la capacité du système de santé à gérer les besoins quotidiens en soins longtemps avant le début de la Marche.

Les patients souffrant de maladies chroniques comme les affections rénales et le diabète pâtissaient déjà du manque d’équipement approprié — des machines à dialyse par exemple —, et des médicaments nécessaires pour gérer leur pathologie. Les patients atteints d’un cancer étaient et restent complètement soumis au caprice de l’appareil de sécurité israélien qui est accusé d’échanger l’accès des patients cancéreux à un traitement vital contre des renseignements et des interrogatoires de ces patients. Que ce soit intentionnel ou non, le blocus empêche des médicaments essentiels et des équipements médicaux d’entrer dans Gaza. Il empêche le personnel de santé palestinien de voyager librement pour se former ailleurs et le personnel de santé international, comme moi, de voyager librement pour fournir des soins et des formations dans Gaza. Il dégrade aussi, et élimine, l’infrastructure essentielle dont tout système de santé a besoin pour survivre, comme l’électricité ou l’eau potable. (...)

— J’ai été témoin de tirs très rapprochés par des snipers israéliens contre des civils et ensuite j’ai dû soigner leurs blessures avec le personnel médical des services d’urgence. Tous les patients que j’ai traités avaient été blessés par des balles réelles, même si évidemment un grand nombre l’était aussi par l’utilisation massive de gaz lacrymogènes. Près de 60 % des blessures concernaient les membres inférieurs, ce qui est inhabituel. La plupart des blessures par balles des centres de traumatologie comme celui où je travaille au Canada concernent la poitrine, qui est la plus grande zone de cible et qui est supposée être la cible prioritaire quand les forces de l’ordre essaient de désamorcer une menace imminente.

Une autre observation inquiétante est qu’il semble y avoir un nouveau modèle de balles utilisées contre des civils, créant un type de blessure et unique. Ce modèle provoque quasiment une amputation du membre inférieur qu’il frappe et crée des blessures de sortie anormalement grandes. Ce type de blessures a été décrit par Médecins sans frontières (MSF) et d’autres au cours de l’an dernier. Bien qu’ayant travaillé dans trois zones de combat et traité des centaines de traumatismes liés à la guerre, je n’avais jamais vu ce type de blessure par balles. (...)

Moussa et moi-même étions 2 des 19 membres du personnel médical blessés par des tireurs israéliens le 14 mai. Auparavant, aucun membre du personnel médical n’avait été touché par balle ni blessé. Ceci soulève la possibilité que les règles israéliennes d’engagement aient changé et incluent de tirer sur le personnel médical, ce qui serait inquiétant et — comme les Nations unies l’ont noté dans leur rapport — constituerait un crime de guerre. (...)

Gaza est un endroit avec des gens compétents et plein de ressources naturelles. Le blocus a ôté aux Gazaouis la capacité d’utiliser leurs ressources pour assurer un excellent système de santé à leur peuple. EmpowerGAZA est un projet qui vise à installer de l’énergie solaire sur tous les hôpitaux publics, les cliniques et les centres de santé de Gaza. Ceci supprimerait la dépendance du système de soins par rapport aux décisions d’Israël d’autoriser ou d’interdire l’entrée du diesel. Cela garantirait aussi que, dans la période postérieure à la libération, les hôpitaux de Gaza contribuent à un avenir environnementalement durable.

Le projet Glia vise à créer des appareils médicaux qui soient d’aussi bonne qualité que les marques de premier ordre qu’ils remplacent. Mais ces appareils sont facilement fabriqués localement, créant à la fois du travail et une culture d’indépendance et d’innovation technologique. (...)

Il y a de nombreuses manières de contribuer à l’amélioration du système de santé à Gaza. Des organisations telles que Medical Aid for Palestine, Terre des hommes et Médecins sans frontières sont d’excellentes organisations à soutenir, avec des campagnes de financement facilement accessibles. Si les gens veulent contribuer directement à nos projets, nous sommes à la recherche de subventions et de compétences en ingénierie pour le projet Glia afin de créer des appareils médicaux, par exemple un électrocardiogramme et une machine à dialyse. Les donations peuvent être faites via notre site web ou la plateforme de financement participatif Patreon où nous venons de lancer une campagne. (...)