
Ce week-end, un colloque scientifique factice ; à l’automne, une enquête de santé publique pipeautée…
Ce dimanche 11 et lundi 12 septembre, le professeur Yamashita doit présider le premier grand colloque sur la catastrophe nucléaire qui se tiendra à la faculté de médecine de Fukushima, la « Conférence internationale d’experts de Fukushima - Radiation et risque sanitaire » (...)
Principal organisateur, Shunichi Yamashita, de l’université de Nagasaki, est « conseiller pour le risque sanitaire lié aux radiations » auprès du département de Fukushima. Il se présente comme issu d’une famille survivante de Nagasaki et contribue activement à la banalisation de la radioactivité.
Médiatisé, le professeur Yamashita passe pour un scientifique fiable et rassurant auprès des gens qui avouent se sentir mieux quand ils l’entendent. Il n’hésite pas à clamer :
« Plus vous sourirez, moins la radiation vous atteindra […]. Si vous ne souriez pas, les rayons auront un effet sur vous. Cela a été prouvé par expérimentation animale. » (...)
Peut-on toutefois attendre une information scientifique d’un colloque dont le vice-président, Abel Julio Gonzales, membre de l’AIEA, vice-président de l’ICRP (International Commission on Radiological Protection) et conseiller de l’autorité de régulation nucléaire d’Argentine, déclarait lors de la conférence de l’OMS du 4 juin 2001 à Kiev :
« Tchernobyl a causé 31 morts, 2 000 cancers évitables de la thyroïde chez l’enfant, et à ce jour il n’existe aucune preuve validée internationalement de l’impact de l’exposition aux radiations sur la santé publique à Tchernobyl. » (...)
Deux figures importantes et critiques du monde scientifique japonais ont été écartées du panel d’experts mobilisés pour la conférence, Hiroaki Koide et Tatsuhiko Kodama.
Le premier est un spécialiste de la mesure du rayonnement et de sûreté nucléaire au Research Reactor Institute de l’Université de Kyoto, le second professeur au Research Center for Advanced Science and Technology et directeur du Radioisotope Center de l’université de Tokyo.
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On peut également s’interroger sur l’objectif réel d’une manifestation financée par la Nippon Foundation (à ne pas confondre avec la Japan Foundation). Cette fondation, dont on pouvait voir les camps de bénévoles installés dans le Tohoku dès le 12 mars, a été créée en 1962 par Ryoichi Sasakawa, dont la réputation est sulfureuse, accusé de crimes de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale (mais jamais condamné) et se définissant lui-même, dans une interview à Time en 1974, comme « le fasciste le plus riche du monde ».
La fondation est maintenant présidée par son fils, Yohei Sasakawa, chroniqueur au journal d’extrême-droite Sankei Shimbun.
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Que faut-il en outre penser du fait que la Nippon Foundation ait rendu ce colloque totalement inaccessible au public et aux victimes ? (...)
L’imposture scientifique ne s’arrête toutefois pas là. En juin, le département de Fukushima a annoncé la réalisation d’une enquête de santé publique auprès des habitants exposés à de forts taux de radiation. Dès l’automne, tous les habitants du département recevront un questionnaire permettant de recueillir le détail de leurs activités et de leur consommation alimentaire deux semaines après le 11 mars.
Le taux de radiation estimé sera ensuite comparé avec les taux détectés. Seuls les résidents ayant un taux élevé seront soumis aux examens par anthropogammamétrie, examen des glandes thyroïdes, des urines et du sang. Les informations seront stockées durant trente ans dans une base de données créée par l’université de médecine de Fukushima, qui se félicite dans l’Asahi Shinbun du 18 juin 2011 :
« L’étude ira bien au-delà de toutes celles qui ont été réalisées sur les victimes de Hiroshima et de Nagasaki dans la mesure où elle intègrera l’évaluation de la contamination interne. »
Deux réserves de taille peuvent toutefois être exprimées vis-à-vis de cette initiative pavée de bonnes intentions.
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Une enquête dont on annonce déjà les résultats
Selon les responsables de cette enquête, celle-ci « a été conçue de manière à calmer les inquiétudes, et à garantir la sécurité et le soulagement grâce à un contrôle sanitaire à long terme des habitants du département de Fukushima ». (...)
« L’impact des accidents de Fukushima sur la santé publique peut être présumé très mineur […]. L’exposition de la population à quelques douzaines de millisieverts par an ne constitue pas un niveau auquel des effets sur la santé ont été constatés dans les études antérieures […]. A de tels niveaux de radiation, il est fort probable que les effets liés à la consommation de tabac ou au stress de l’évacuation soient plus importants que ceux liés aux radiations. »
Non seulement, on lance une enquête dont on annonce déjà les résultats, mais les initiateurs parlent de « sécurité » et de « soulagement » alors qu’ils tiennent par ailleurs des propos pour le moins alarmants quant aux doses au corps admissibles.
(...) Wikio