
Un titre provocateur pour ce beau numéro de Manière de voir (1) consacré aux frontières, qui réussit le pari d’offrir un tour d’horizon planétaire de ces espaces en profonde transformation. La fin des territoires entrevue par certains à la chute du mur de Berlin n’a donc pas eu lieu.
- Mieux, elle s’est traduite par un regain des processus de démarcation, par vingt-sept mille kilomètres de nouveaux tracés, des barrières visibles dans des zones disputées.
La suppression des frontières est un vieux rêve. Mai 68, avec une verve puisant ses racines dans l’anarchisme, en avait fait un slogan. « Il n’y a pas de sujet qui revienne plus souvent sous la plume des utopistes humanitaires que la suppression des frontières », écrivaient dès 1921 Jean Brunhes et Camille Vallaux (2). Ces dernières années, cet idéal a été paradoxalement ravivé par les promoteurs de la mondialisation libérale, qui prônent la libre circulation des personnes et des biens dans un « monde sans barrières », selon les mots d’un ancien directeur de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (3).
L’objectif de cette publication semble bien être de montrer la souffrance des populations, souvent prises au piège de ces tracés. (...)
Si l’accent est mis sur l’importance de la course aux ressources dans les appétits territoriaux, l’auteur questionne également l’évolution des conditions de la puissance : désormais, les Etats ne sont plus seuls à vouloir s’approprier un territoire au nom d’une extension de leur souveraineté ; des acteurs mobiles (migrants, entreprises…) les concurrencent. (...)