
(...)« La présupposition première de toute existence humaine, partant de toute histoire [est] que les hommes doivent être à même de vivre pour pouvoir "faire l’histoire". Mais pour vivre, il faut avant tout boire, manger, se loger, s’habiller et quelques autres choses encore (13). »
Dans l’économie monétaire à travail divisé du capitalisme, il n’y a pas plus impérieux que le désir d’argent, par conséquent pas de plus puissante emprise que celle de l’enrôlement salarial.(...)
Il faut manifestement en revenir à ce genre d’évidence pour défaire l’idée de « servitude volontaire », cet oxymore dont l’époque voudrait faire la clé de lecture du rapport salarial et de ses développements manipulateurs récents (il est vrai) les plus inquiétants. (...)
Le cas du rapport salarial a de ce point de vue la vertu d’indiquer qu’il est des désirs qui ne s’imposent nullement sur le mode du libre choix — ou alors il faudrait, parler de servitude volontaire également à propos de celui à qui on a mis un pistolet sur la tempe et qui obéira à tout sous le désir (puissant) de ne pas mourir, capturé (lui et son désir) par son preneur d’otage. (...)
Ce sont les structures sociales, celles des rapports de production capitalistes dans le cas salarial, qui configurent les désirs et prédéterminent les stratégies pour les atteindre : dans les structures de l’hétéronomie matérielle radicale, le désir de persévérer matériellement-biologiquement est déterminé comme désir d’argent qui est déterminé comme désir d’emploi salarié.(...)
Spinoza propose un tout autre mécanisme de l’aliénation : les véritables chaînes sont celles de nos affects et de nos désirs. La servitude volontaire n’existe pas. Il n’y a que la servitude passionnelle. Mais elle est universelle.(...)
l’employeur occupant dans la structure sociale du capitalisme la position du pourvoyeur d’argent, il détient la clé du désir basal, hiérarchiquement supérieur, condition de tous les autres — survivre — et, par définition, les tient dans sa dépendance. (...)