
François Hollande et son gouvernement ont capitulé face à toute perspective de transformation sociale et de refondation démocratique. Tel est le constat que dresse Laurent Mauduit, journaliste et fondateur de Médiapart dans son livre L’étrange capitulation. Pire, il traçe un parallèle entre les abdications d’aujourd’hui et les renoncements des élites avant-guerre, qui ont mené à l’effondrement de la République. Que reste-t-il du socialisme ? De l’espoir du 5 mai 2012 ? De la gauche ? (...)
ce que révèle l’affaire Cahuzac : un système de consanguinité avec le monde des banquiers. Cela renvoie au système oligarchique français. L’oligarchie est une couche sociale insubmersible, qui résiste à toutes les alternances. Elle édicte les mêmes recommandations conformes à ses intérêts, quel que soit le gouvernement. L’imbrication entre les élites politiques et ces milieux-là est fascinante. Qui conseille aujourd’hui le ministre de l’Économie Pierre Moscovici ? Ce ne sont que des militants UMP qui sont à la direction du Trésor. Qui a rédigé le rapport Gallois sur la compétitivité ? C’est un cadre de l’UMP. Qui conseille Hollande en économie ? C’est la banque Rothschild. Il n’y a plus d’irrigation intellectuelle autre que cette sphère, dont les sources idéologiques sont le libéralisme, les milieux d’affaires. Que les socialistes n’aient pas eux-mêmes l’énergie de construire une vision du monde, de s’appuyer sur leurs propres experts, est très inquiétant. (...)
Il y a une belle formule de Marc Bloch sur la « stupidité qu’il y a à nier la lutte des classes ». Celle-ci existe. Elle est inhérente à la démocratie. La démocratie, ce n’est pas le consensus, c’est le dissensus. Son mode de règlement, c’est de trouver l’intérêt général à travers des intérêts divergents. Or, quelle est la légitimité, aujourd’hui, de politiques qui piétinent méthodiquement les électeurs qui les ont portés au pouvoir ? L’événement télévisuel marquant en 2012, ce sont les sanglots du syndicaliste sidérurgiste Édouard Martin. La trahison de Florange fait terriblement réfléchir : c’est une filiale rentable, le secteur de pointe de la technologie de l’acier en France. C’est pour cela que Lakshmi Mittal (PDG d’ArcelorMittal, ndlr) en avait besoin : il voulait piquer la technologie pour ensuite la délocaliser. Côté gouvernement, pourquoi bafouer à ce point l’engagement pris par le candidat Hollande devant les salariés, lors de la campagne présidentielle ? (...)
Nous avons aujourd’hui une presse de connivences, une presse de bas étage y compris dans le débat public où elle ne fait pas son office. Elle a accompagné l’affaissement du PS. La presse des années 30, c’était la corruption et l’affairisme. L’une des premières mesures du programme du Conseil national de la résistance a été de « refonder une presse indépendante des puissances financières ».
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Non seulement le gouvernement cède à la politique du camp d’en face, mais en reprend l’idéologie. Notamment sur la thématique de la chasse aux Rroms, enfourchée par Manuel Valls sous les applaudissements de Serge Dassault. C’est risible, pitoyable, insupportable. Cela montre l’ampleur de la contamination des thématiques de la droite et de la droite radicale. Ce que fait Valls est pour la gauche une indignité car il place les socialistes dans une position doctrinale de faiblesse permanente (...)
Le danger qui menace l’Europe, et au premier chef la France, c’est le danger du populisme radical. Le danger en France est toujours venu, non pas de l’extrême droite, mais d’époques troubles où la droite a perdu le sens républicain et a siphonné les idées de l’extrême droite. Un gouvernement UMP-FN « relooké » est une menace gravissime qui se profile. L’urgence est à relancer des passerelles entre la gauche de gouvernement et celle d’opposition. Il y a d’autant plus d’importance à débattre des politiques économiques et sociales, des politiques démocratiques. A refuser de le faire, les socialistes préparent le terrain à cette droite de combat, à cette droite extrême. (...)
À lire :Laurent Mauduit, L’étrange capitulation, Éditions Jean-Claude Gawsewitch, 2013, 301 pages. 20,90€.