
Ce mardi 23 octobre, le Sénat a adopté en première lecture un texte visant à restreindre le droit démocratique à manifester. Des fouilles systématiques à l’entrée des cortèges de manifestants, généralisation des interdictions à manifester, le risque d’un an de prison et de 15 000 euros d’amendes pour dissimulation de visage, fusées d’artifice et matériel considéré comme un port d’arme passible de 3 ans de prison et 45 000 euros d’amende, création d’un fichier national des personnes interdites de manifestations…
Sous prétexte de s’attaquer au « black block », le chef de file des sénateurs Les Républicains, Bruno Retailleau a grillé la priorité à La République En Marche en faisant voter ce projet de loi en première lecture à l’initiative du Sénat avec les voix LR, centristes, et indépendants. Pour ne pas voter de concert avec LR, largement majoritaire au Sénat, LREM a voté contre le texte, en se défendant d’un rejet « en bloc » du projet de loi de LR au travers le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur, Laurent Nunez. Il a néanmoins affirmé son souhait d’arriver à un texte plus abouti, autrement dit avec la touche de la majorité parlementaire, rappelant par la même qu’un groupe de travail commun aux ministères de la Justice et de l’Intérieur avait déjà en préparation le même type de travaux et « rendra ses conclusions le 15 janvier ».
Si le Parti Socialiste a voté contre le texte, il reprend, en définitive, un certain nombre de dispositions expérimentées par François Hollande et Manuel Valls pendant le mouvement contre la loi El Khomri en 2016. A majorité communiste, le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Ecologiste a voté contre en dénonçant une « proposition de loi [qui] rogne clairement sur les libertés publiques, notamment sur liberté de manifester ». Esther Benbassa a vivement contesté la création d’un fichier national des personnes interdites de manifestations.
Reprenant la logique du texte « anti-casseur » de 1970, abrogé par François Mitterrand dès son élection en 1981, la proposition de loi des sénateurs Les Républicains peine à dissimuler les velléités répressives de ses auteurs contre l’ensemble du mouvement social. (...)
« Bien davantage que de casseurs de vitrines, il s’agit en fait de briseurs de République », a affirmé Retailleau pour défendre son texte. « Eh bien la République doit briser ces groupes », a-t-il ajouté, jugeant qu’« aujourd’hui la loi est trop faible ».
Prenant le prétexte des incidents du 1er mai, le projet de loi, voté en première lecture, n’en reste pas là. Ainsi, il propose aussi la possibilité pour le préfet d’autoriser l’instauration de périmètres durant les manifestations, afin de procéder à des fouilles systématiques, avant de pouvoir rejoindre un cortège. Une mesure corrélée à la création d’un fichier national des interdits de manifestation qui permettront aux préfets, à l’instar des interdictions administratives de stades, d’interdire quiconque de manifester par le biais d’un simple arrêté. Ces mesures visent à généraliser et à renforcer des mesures qui cherchent à restreindre plus encore le droit à manifester et à criminaliser l’expression démocratique de l’opposition du mouvement social.
A l’initiative de la droite, cette fois-ci, ce texte de loi passera prochainement en seconde lecture à l’Assemblée Nationale. (...)
Contre cette nouvelle offensive autoritaire et liberticide, c’est dans la rue qu’il va falloir défendre notre droit démocratique à manifester et à s’opposer aux contre-réformes du gouvernement.