
Venant après un premier ouvrage qui a inauguré la collection : Liberté de circulation : un droit, quelles politiques ? (2010), puis le deuxième, paru en 2011 : Immigration, un régime pénal d’exception, voici donc le troisième : Figures de l’Étranger. Quelles représentations pour quelles politiques ? (...)
Le sous-titre de notre journée d’étude et de l’ouvrage qui en est issu : « quelles représentations pour quelles politiques ? » indique d’emblée l’intention de mettre en lumière la façon dont les représentations de l’« Immigré », de l’« Étranger » inspirent les politiques publiques et la législation et dont, en sens inverse, la législation véhicule et conforte des images négatives des étrangers et des étrangères. Ce point est particulièrement important tant reste prégnant le lieu commun selon lequel les modifications législatives ne feraient que refléter un certain nombre de préoccupations et d’évolutions sociales. Or, en matière d’entrée et de séjour des étrangers comme en d’autres domaines, les dispositions juridiques ainsi que les interprétations et pratiques qu’elles génèrent sont aussi des modalités de construction des cadres cognitifs et des stéréotypes relatifs aux groupes sociaux que le droit contribue à faire exister.
Ces interactions entre droit, pratiques administratives et représentations sont intensifiées dans les périodes où l’immigration est construite en problème public mais ne sont pas propres à l’époque contemporaine. D’où le parti de cet ouvrage de ne pas s’en tenir au court terme, voire au très court terme : il fallait étendre le champ d’investigation pour y inclure la longue durée, ce qui explique la présence d’études portant sur des périodes passées. Elles permettent à la fois de rendre compte de permanences et de continuités dans les représentations des étrangers mais aussi de mettre en exergue un certain nombre d’évolutions, de ruptures qui peuvent être le fruit de l’action de groupes mobilisés.
De fait, les étrangers et les étrangères ne sont pas des objets passifs des politiques publiques : on sait qu’ils peuvent contourner les dispositifs qui cherchent à limiter leurs capacités d’agir ; mais leur répertoire va au-delà des tactiques de résistance quotidienne à l’emprise du droit et de l’administration. Sans revenir sur les retournements permis par les usages de l’arme du droit, il s’agit de mettre l’accent sur les stratégies collectives de lutte et de représentation d’eux-mêmes qui permettent aux étrangers et aux étrangères d’avoir prise sur les images publiques qui leur sont accolées.
Nous avons donc voulu montrer comment les immigré·e·s et leurs soutiens peuvent contribuer à construire les attributs qui sont attachés à leur condition, dans des stratégies de différenciation ou d’indifférenciation dont les résultats ne peuvent pas être anticipés a priori. Les luttes et les mobilisations sont des moments particulièrement propices pour faire naître, à l’appui de revendications, des images différentes, positives, qui ne coïncident pas avec les représentations négatives classiques. (...)