
Ce matin, les rues d’Athènes respiraient la normalité pour ne pas dire la banalité. En cette journée de la dite fête du travail... c’était décidément sa fête. Les boutiques étaient ouvertes, tout comme les banques, visiblement plus importantes que jamais, et seul le métro ne desservait que certaines stations centrales, “pour de raisons de sécurité et sur l’ordre de la Police, pour cause de rassemblements”. À pratiquement 30% de chômage officiel et après que le gouvernement ait décrété “le report de ce jour férié”, on ne pouvait guère s’attendre à mieux. Le travail n’est plus, et de ce fait, il n’aura plus besoin de symboles. Signe tangible de l’ère nouvelle et de fin de régime, l’après 1945 européen se terminerait quelque part entre 2010 et 2013.
Il y avait du monde au centre d’Athènes, mais bien plus nombreux ont été ceux qui n’ont pas pu ou voulu faire autrement que travailler. Les syndicats, organisateurs des manifestations ont quant à eux, évoqué “des milliers de participants”, c’est dire combien le compte n’y était plus. Salle temps, sous un soleil si radieux. J’ai rencontré Place de la Constitution, ces militants du syndicat PAME et du parti communiste KKE, insensibles ou plutôt indifférents au discours de leur dirigeant et à sa langue de bois fatigué, si usés eux-mêmes et je dirais presque résignés. Notre gauche a perdu sa gaieté, et elle en souffre. Après trois ans de mémorandum, nous ne sommes pas au bout de nos mutations.
Nos univers sociaux ne se rencontrent même plus, nos “syllogismes collectifs” se délitent, y compris à gauche. Or, pour ses “moralistes” qui ne peuvent se résoudre à faire leur deuil de l’idée de l’homme engagé de jadis pour ainsi si possible réinventer, il est évident que cela mène tout droit à la catastrophe. Sur le trottoir de la Banque Nationale de Grèce, deux militants PAME faisaient circuler une boîte pour collecter les petites pièces auprès de leurs, ils sont passés à côté du mendiant des lieux sans le voir. Une fois de plus, et une fois de trop en pareils moments, le modèle anthropologique de la Grèce méta-démocratique, ou plutôt son “désanthopomorphisme” laisse dessiner trois tendances catégorielles au demeurant si lourdes : les manifestants, les indifférents... et les mendiants. (...)
Bilan du jour : Peu de manifestants en ce 1er mai 2013, dans la dispersion, syndicale et politique. Alexis Tsipras, présent Place Klafthmonos, a déclaréque “l’économie ne sera pas ressuscitée par la bancocratie en faillite ni par le système politique corrompu. Elle ressuscitera par le monde du travail à travers ses combats”. Sauf que certains syndiqués et citoyens actifs ne seront plus jamais au rendez-vous. Tel, Kostas Kogias de la ville de Volos en Thessalie, syndicaliste, activiste et citoyen engagé. Il s’est pendu, donnant fin à ses jours vendredi 26 avril dans la soirée. Il avait 61 ans. (...)
Me Kostas Resvanis, Vice-Bâtonnier de l’Ordre des avocats du Pirée, s’est suicidé mardi 30 avril, se jetant du balcon de son bureau, situé au cinquième étage, et au numéro 5 de la rue Paléologue, près du port. En début de semaine, un autre avocat, âgé de 32 ans, s’est jeté également du cinquième étage rue Hermès à Thessalonique. Et aux huit suicides connus de la semaine dernière d’après la presse locale et nationale, s’ajoute... enfin celle d’un vieil homme, âgé de 75 ans, lequel a mis fin à ses joursen se tranchant lui-même l’artère carotide, il habitait la ville d’Héraklion en Crète. Cela se nomme une... “société autophage”, relevant d’un nouveau modèle de... “décroissance” et d’un carnet de notes qui finira par devenir un véritable nouveau genre nécrologique. (...)