
Promesse du candidat Hollande, répétée après son élection, la fermeture de la plus vieille centrale nucléaire de France n’est pas encore acquise, malgré un accord passé entre l’État et EDF le 24 août. Ce mercredi 14 septembre, le projet est présenté aux représentants du personnel de l’électricien.
(...) 1. Fessenheim est-elle pire que les autres centrales ?
Oui, parce qu’elle cumule plusieurs facteurs d’inquiétude. D’abord, c’est la doyenne des 19 centrales françaises. Raccordée au réseau électrique en 1977, puis mise en service en 1978, elle fonctionne depuis quasiment 40 ans. Or, comme le relève l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire), « la fatigue mécanique, l’usure, la corrosion, le vieillissement thermique ou dû à l’irradiation risquent d’amoindrir peu à peu leurs performances, avec des conséquences sur la sûreté ». (...)
Ensuite, les inquiétudes viennent de la conception même de la centrale, qui ne correspond plus aux standards de sécurité de notre époque. (...)
La situation géographique de la centrale pose aussi question. « Elle est implantée sur une faille sismique, et est située en contrebas du grand canal d’Alsace, informe Charlotte Mijeon, du réseau Sortir du nucléaire. Un séisme ou une inondation pourraient provoquer une catastrophe. Sans compter la présence de l’aéroport international de Bâle à une trentaine de kilomètres. »
2. Les incidents qui s’y passent sont-ils inquiétants ?
Oui. André Hatz, de Stop Fessenheim, a épluché les rapports de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et recensé toutes les pannes et autres problèmes significatifs. Entre janvier 2014 et mars 2015, il y en a eu 18. Dont certains particulièrement inquiétants. (...)
3. Pourquoi le réacteur numéro 2 est-il fermé depuis plusieurs mois ?
Le réacteur numéro 2 de la centrale a été arrêté le 16 juin par l’Autorité de sûreté nucléaire. À la suite de la découverte de défauts dans la cuve de l’EPR de Flamanville, Areva a ouvert les archives de son usine du Creusot. L’ASN y a découvert des « dossiers barrés », qui diffèrent de ceux remis officiellement. Neuf des dossiers concernent les réacteurs de Fessenheim, auxquels Areva fournit des pièces. « Nous considérons qu’un seul dossier pose réellement problème dans cette centrale, explique à Reporterre Julien Collet, directeur général adjoint de l’ASN. Il concerne un des générateurs de vapeur du réacteur n° 2. L’extrémité du lingot ayant servi à fabriquer une pièce, qui est par nature de moins bonne qualité, aurait dû être retirée à l’usine comme cela se fait habituellement. Cela n’a pas été le cas. Cela entraîne des incertitudes concernant la résistance mécanique de l’équipement vis-à-vis du risque de rupture brutale. » (...)
5. La centrale de Fessenheim va-t-elle fermer ?
En 2012, dans son engagement numéro 41, le candidat François Hollande avait inscrit : « Je fermerai la centrale de Fessenheim. » Quatre mois plus tard, lors du discours d’ouverture de la première conférence environnementale, il a déclaré : « La centrale de Fessenheim, qui est la plus ancienne de notre parc, sera fermée à la fin de l’année 2016. »
Depuis, il y a eu la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, publiée au Journal officiel le 18 août 2015. Ce texte a permis au gouvernement de justifier le report de la fermeture de la centrale. Il indique qu’une nouvelle autorisation d’exploitation d’une centrale ne peut pas être délivrée si elle a pour effet de porter la production d’électricité d’origine nucléaire au-delà de 63,2 GW — la production actuelle. Traduction : l’EPR de Flamanville, en construction, ne pourra pas ouvrir tant que Fessenheim sera encore en activité. « Par un tour de passe-passe, ce plafond de 63,2 GW est devenu plancher dans les discours officiels, analyse André Hatz, de Stop Fessenheim. Tout d’un coup, on ne pouvait pas produire moins que ces 63,2 GW, alors que ce n’est pas ce qui est écrit dans les textes. Avant de fermer Fessenheim, il fallait donc attendre la mise en service de l’EPR — prévue à ce moment-là pour 2018. Nous refusons cette inversion de la logique. Fessenheim peut donc, et doit, fermer immédiatement. » (...)
Le processus de fermeture présenté ce mercredi à EDF pourrait aboutir en 2018. D’ici à fin octobre, le comité central d’entreprise rendra un avis, consultatif. Puis, le conseil d’administration statuera sur le projet de fermeture avant la fin de l’année. Mais ce n’est pas encore gagné. « Les politiques parlent maintenant de retrait d’autorisation d’exploitation, et non plus de fermeture à proprement parler, informe Charlotte Mijeon, de Sortir du nucléaire. Nous craignons qu’un nouveau gouvernement puisse alors très facilement revenir sur la décision. Et, d’ici à 2018, il y a l’élection présidentielle, je le rappelle. »