Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
blogs de Médiapart
Face au Front National : réponse aux pompiers pyromanes qui ont voté Macron
Article mis en ligne le 25 avril 2017

Vous avez voté pour Macron et vous nous exhortez à faire barrage au Front National. Nous n’avons aucune leçon à recevoir de ceux qui sont responsables de son ascension.

« Faire barrage » : les mots vous évoquent des corps tendus contre l’assaut. Vous vous imaginez en héros de la lutte pour la République. A moi, ils n’évoquent qu’un bête mur de béton qui retient l’eau qui monte. Elle n’en finit pas de monter depuis cinq ans. C’est un fait objectif : jusqu’en 2012, le vote Front National était encore flottant, versatile, contestataire. C’est le quinquennat Hollande, qui est aussi le quinquennat Macron, qui l’a vu s’enraciner. Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. L’extrême-droite monte partout dans le monde ; or il n’y a qu’une cause qui s’exerce à l’échelle de la planète et c’est la dictature de la finance dont vous venez de porter au pouvoir le zélé serviteur.

Peut-être n’êtes-vous pas convaincus ? La corrélation entre néolibéralisme et fascisme vous échappe ? C’est parce que vous vivez dans un monde imaginaire, au sens propre : un monde d’images. Vous n’êtes pas marxistes et vous ne pensez pas que les conditions matérielles d’existence déterminent la conscience. Tout est discours pour vous, comme pour le gouvernement le plus impopulaire de l’histoire de la cinquième république qui, pendant cinq ans, à chaque résistance à ses « réformes », n’a rien su comprendre sinon qu’il avait manqué de « pédagogie ». (...)

Vous vous êtes si bien retrouvés dans cette caricature de cadre supérieur que vous avez pensé qu’il saurait « rassembler les Français » - les rassembler dans l’amour d’un homme qui vous ressemble. Vous n’avez même pas conscience que ce faisant, vous avez fait monter le Front National.

Combattre le Front National, c’est aussi pour vous une affaire de mots. Quand Malek Boutih crie que le fascisme est à nos portes, vous vous dites : « Il a combattu le Front National ». Vous ne savez pas que le Front National puise à deux sources : la haine de l’étranger bien sûr, ce vieux fond de xénophobie raciste qui depuis toujours est la lie de la France, mais aussi la haine qu’inspire votre modèle de société haï de tous excepté vous, ce que vous sauriez si vous rencontriez qui que ce soit d’autre que vous. Vous n’avez pas voulu mettre en question votre attachement béat à une Europe qui n’existe que dans vos rêves. Vous avez dit « la dette » et « la dépense publique » et vous avez conclu : c’est impossible.

L’eau finira par déborder. Ce jour-là, que ferez-vous ? Vous n’en avez aucune idée. (...)

Vous n’en avez évidemment pas conscience mais si nous avons lutté contre vous, c’est encore pour combattre le Front National. Pour faire naître l’espoir, il fallait en finir avec votre suffisance, votre incapacité à rien penser au-delà de vous-mêmes, et votre certitude que vous pouvez tirer sur la corde indéfiniment sans qu’elle se rompe jamais. Nous avons tâché d’échapper à la violence que vous répandez partout. La violence ? Vous êtes outrés – car chacun sait, n’est-ce pas, que la violence est de notre côté : dans notre hostilité aux riches et dans les mauvaises manières de Jean-Luc Mélenchon. Vous ne comprenez pas que la violence, c’est quand un être humain pensant, sensible, est nié dans son humanité par un vulgaire Macron qui croit qu’il est acceptable de parler aux gens pour ne rien dire. (...)

Il n’y a pas de violence plus grande que de prendre les gens pour des imbéciles.

Vous, si fiers d’aller dans quinze jours faire barrage au Front National, ne vous rendez pas compte que vous êtes son fidèle allié. Vous n’avez aucun reproche à nous faire, aucune consigne à nous donner. Nous ne sommes pas votre voiture-balai, nous n’avons pas à ramasser les débris de la société à mesure que vous la détruisez.

Que ferons-nous dans quinze jour ? Pour moi, ma décision est prise. Ceux à qui il m’importe qu’ils la connaissent, la connaissent. Quant à vous, je n’ai rien à vous dire et je remercie Jean-Luc Mélenchon de n’avoir pas sauté dans le cerceau comme une bête de foire. Nous trancherons à notre heure et si vous vivez quelques jours d’inquiétude, tant mieux : voyez en face le désastre dont vous êtes responsables. (...)

Pendant les cinq prochaines années, l’histrion que vous avez porté au pouvoir continuera l’œuvre de dissolution sociale de ses prédécesseurs. Mais qu’on se rassure : le Front National n’aura pas le dernier mot. Non grâce à vous mais grâce à nous qui en cinq ans avons réduit des deux tiers la distance qui nous séparait de lui. Détenteurs de l’avenir en commun, nous assumerons nos responsabilités face au Front National et malgré vous.