Une quinzaine de scientifiques ont été arrêtés, le 29 octobre, lors d’une action de désobéissance civile contre BMW à Munich. Ils protestaient contre l’impact climatique de l’industrie automobile et réclamaient des mesures fortes pour lutter contre le réchauffement climatique.
Des scientifiques en prison. Seize chercheurs, dont cinq Français, ont été arrêtés, samedi 29 octobre, pour s’être collé la main à une voiture de sport BMW exposée dans un showroom de Munich (Allemagne). Une action symbolique du collectif Scientist Rebellion, un mouvement international de scientifiques contre l’inaction climatique. Fatigués de chroniquer rapport après rapport une catastrophe écologique annoncée, ils ont décidé de se lancer dans des actions de désobéissance civile.
La justice allemande a placé ces scientifiques en détention provisoire, jusqu’au 4 novembre pour certains. Leur arrestation et la durée de cette détention a choqué dans la communauté scientifique. Des personnalités comme les climatologues Jean Jouzel et Christophe Cassou, l’économiste Thomas Piketty et les philosophes Dominique Bourg et Dominique Méda témoignent de leur soutien dans ce texte publié par franceinfo.fr et signé par plus de 1200 scientifiques. Ils s’expriment ici librement.
Samedi, plusieurs scientifiques de divers pays se sont pacifiquement installé·e·s dans une voiture de sport en exposition au salon BMW à Munich, symbole du système consumériste qui condamne notre monde aux malheurs. Pourquoi cette action à cet endroit ? Il n’y a pas à redouter quelque catastrophisme, nous sommes déjà confrontés à des catastrophes : des milliers de morts en France cet été sous les canicules répétitives, un mégafeu en Gironde, des agriculteurs à la peine face à la sécheresse, plus de dix millions de personnes jetées sur les chemins au Pakistan après la destruction de leurs habitats par une mousson hors norme... Des types d’événements auxquels on s’attendait plutôt vers la moitié du siècle.
Non seulement nous ne sommes pas parvenus à respecter l’objectif assigné par la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CNUCC) signée en 1992 – à savoir éviter toute "perturbation anthropique dangereuse du système climatique" – mais nous avons déjà atteint un degré élevé de perturbation du système.
"Emettre pour la gloriole un surcroît de carbone et le promouvoir sur un salon constituent une participation active et inutile (il existe d’autres moyens de transport) à la destruction du climat."
Les signataires de la tribune, sur franceinfo.fr
Pourquoi ce type d’action ? Est-ce que les scientifiques n’ont pas d’autres façons de s’exprimer ? Depuis 30 ans, la communauté scientifique effectue patiemment son travail de documentation des changements en cours dans le climat et les écosystèmes de la Terre, dans l’économie. Patiemment, elle parle, sur les supports qui lui sont habituels (les revues, les colloques, les rapports commandés à des experts), sur un ton policé, de choses aussi effrayantes qu’un changement climatique de grande ampleur en quelques décennies (les précédents s’étalaient sur des millénaires), qu’une sixième extinction de masse, qu’une désagrégation des sociétés humaines. Ce type de communication est pleinement légitime, mais ne touche pas assez le grand public... Or la mobilisation d’un large public autour des enjeux climatiques contraindrait les pouvoirs publics à agir à la mesure des enjeux. C’est une condition de réussite de la CNUCC et des COP qu’elle organise annuellement.
Le problème n’est pas la protestation (...)
Le sixième rapport du Giec a expliqué il y a à peine plus d’un an que le respect de l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C était encore possible sur le papier, mais qu’il nécessitait des changements radicaux dès les prochains mois. Depuis, les Etats n’ont rien fait. Pire, la guerre en Ukraine a remis en selle les projets pétroliers et gaziers les plus polluants. L’ONU a déclaré la semaine dernière que la fenêtre d’action pour respecter 1,5°C "était en train de se refermer rapidement". (...)
Les scientifiques qui ont participé à ce type d’actions ne sont pas des extrémistes. Ils ne sont pas sortis de leur confort pour faire cela par goût de l’action et de la visibilité médiatique. Ils ont, pour beaucoup d’entre eux, une pratique professionnelle à travers laquelle ils essayent aussi d’agir sur le monde. Si certains d’entre eux ont, en outre, décidé d’agir de manière plus démonstrative, c’est parce qu’ils sont désespérés d’être entendus. (...)
une majorité d’universitaires et de chercheurs est consternée par l’indifférence générale devant la catastrophe en cours : les trois quarts des personnels de la recherche pensent que si les choses continuent au rythme actuel, le monde va connaître une catastrophe écologique majeure. Cette majorité pourrait bien d’un jour à l’autre rejoindre le camp de celles et ceux qui protestent de manière de plus en plus disruptive. Ne nous trompons pas de coupables. Le problème n’est pas la protestation, mais l’inaction générale, le désespoir de la jeunesse mondiale dont 3 sur 4 se disent "effrayés" par leur avenir.