C’est avec tristesse que nous avons appris hier que ce quartier d’Athènes, lieu d’entraide, de liberté et de vie, était depuis l’aube encerclé par la police, qui y a procédé à des expulsions et à de nombreuses arrestations. Voici donc un Hommage à Exarcheia et ses luttes, passées et futures. No pasaran.
« 2024 : la Grèce est entièrement occupée par les germano-troïkistes. Toute ? Non ! Un irréductible quartier du centre d’Athènes résiste depuis des décennies (et résistera toujours) à l’envahisseur. La vie, pour les résidents antiautoritaires de ce lieu, est simple et facile, contrairement à celle des envahisseurs, qui y trouvent bien des troubles. Dans ce quartier, il n’y a pas de dieux, ni de place pour aucun maître. Tout le monde y est contre tout type d’autorité » (Nikos Koufopoulos & Nikolas Agathos)...
Oui, Exarcheia résistera toujours. Mais c’est avec une grande tristesse que nous avons appris hier matin, par un communiqué de Yannis Youlountas (et un article du Guardian que m’a envoyé mon amie Tatiana, qui habite là), que ce quartier d’Athènes, aimé par tous les anarchistes et, au-delà, par tous les amis de la liberté, était depuis l’aube encerclé par la police : « de nombreux bus de CRS (MAT), des jeeps de la police antiterroriste (OPKE), des voltigeurs (DIAS), des membres de la police secrète (asfalitès), ainsi qu’un hélicoptère et plusieurs drones ».
Youlountas poursuit : « Lieu unique en Europe pour sa forte concentration de squats et d’autres espaces autogérés, mais aussi pour sa résistance contre la répression et sa solidarité avec les précaires et migrants, Exarcheia était dans le collimateur du gouvernement de droite depuis son élection le 7 juillet. Le nouveau premier ministre Kyriakos Mitsotakis en avait fait une affaire personnelle, d’autant plus qu’il avait été raillé début août pour ne pas avoir réussi à atteint son objectif de « nettoyer Exarcheia en un mois » comme il l’avait annoncé en grandes pompes ». Il nous annonce que 4 squats ont pour le moment été évacués. Les migrant.e.s, dont des enfants, qui y logeaient en paix, ont été déportés vers des camps de rétention insalubres. « On compte pour l’instant une centaine d’arrestations, ainsi que des agressions brutales contre des personnes tentant de filmer. Seuls les médias de masse au service du pouvoir ont l’autorisation de couvrir l’événement ».
Mais peut-être sera-t-il utile de préciser de quel lieu nous parlons. (...)
Exarcheia. 22 068 habitants. Une enclave triangulaire –tels les trois points du « mort au vaches »- en plein cœur d’Athènes. Un lieu couvert de graffitis, emplis de squats, de bars, de locaux associatifs, et où les flics ne seront jamais les bienvenus.
Comment parler d’Exarcheia sans tomber dans le folklore ? L’idéalisation ? L’idéologisation à outrance ? Peut-être, tout simplement, en racontant son histoire houleuse, des émeutes du XIXème siècle jusqu’aux squats d’accueil pour migrants, en passant par les dures années de lutte armée. Le fond du récit sera le séjour que j’y ai fait l’an dernier, et qui me revient en mémoire avec émotion, tandis que des brutes fascisantes envahissent désormais ses rues, tentant d’étouffer le cri de liberté qui y résonne, et qui, espérons-nous, y résonnera encore longtemps. (...)
Toutes les luttes vivent ici, se mêlant aux terrasses des cafés ombragés. Le quartier est également, par exemple, à la pointe de la lutte féministe et de lutte pour les droits des LGBT, notamment au travers de l’AKOE (mouvement grec de libération des homosexuels), créé en 1976. Le mouvement participe aux manifestations de 78 à l’école polytechnique et, à partir des années 80, se bat contre le système carcéral, les discriminations sexuelles, et évoque le statut des travailleurs et travailleuses du sexe, ou encore l’aide aux toutes premières victimes du SIDA. L’AKOE trouve notamment à s’exprimer au travers des pages du journal Amphi, dont les locaux, tout comme ceux de l’AKOE, se trouvent dans la rue Zaloggou, à Exarcheia. Seront-ils eux aussi raflés et fermés par la police ?
Jusqu’où ira la répression à l’encontre de ceux qui, loin de la lutte armée des temps passés, n’ont aujourd’hui commis comme crime que de ne pas se résigner à la barbarie ambiante, et qui s’obstinent à donner vie à la solidarité et à la liberté ? (...)
"Le mouvement social se rassemble et s’organise à nouveau. Des lieux comme le Notara 26 et le K*Vox sont sous haute surveillance. Des ripostes se préparent, ainsi que plusieurs grands événements mobilisateurs. L’automne sera chaud à Athènes".
Espérons qu’il le sera aussi en France, et en Europe, et dans le monde entier. Nous n’avons plus le temps, et les forces de la réaction ont frappé les premières : à nous de ne pas leur laisser la main. (...)
infos en direct (yannis Youlountas)
[Désintox]
APPRENEZ LA LANGUE DE BOIS AVEC L’ANA ET L’AFP
1- Ne dites pas des squats ou des immeubles, dites plutôt « des logements occupés illégalement. »
2- Ne dites pas une une attaque ou une rafle, dites plutôt « une opération de police. »
3- Ne dites pas un quartier rebelle ou anarchiste, dites plutôt « un quartier sensible. »
4- Dans ce genre de circonstances, n’utilisez pas non plus les mots et expressions : famille, enfant, vulnérable, sans-abri, répression, camp fermé…
5- Parmi vos photos d’illustration, ne montrez pas non plus d’enfant arraché à sa chambre, ni même d’enfant tout court. Montrez plutôt des policiers, des voitures de police, des motos de police, des logos de police, des uniformes de police…
C’est bien. Vous êtes un bon valet du pouvoir. Grâce à vous, l’opinion publique somnole et ceux qui vous payent sont tranquilles.
Si vous continuez dans cette voie, vous finirez peut-être votre carrière présentateur du JT.
Y.Y.
PS : en cas d’hésitation, évitez de parler d’Exarcheia, comme souvent