À Chypre-Nord, l’éducation est devenue le premier secteur économique. Pas moins de 23 universités se concentrent dans cet État autoproclamé reconnu par la seule Turquie, qui l’occupe depuis 1974. Elles attirent des étudiants issus de pays en développement, avec des cursus à coût abordable et estampillés "européens". Mais une partie d’entre eux déchantent rapidement, victimes des promesses abusives de leurs recruteurs pouvant conduire à des situations dramatiques. Le reportage de Corentin Bainier et Erika Olavarria.
Avec près de 50 000 étudiants étrangers, issus essentiellement d’Afrique, du Moyen-Orient ou du sous-continent indien, l’éducation est devenue à Chypre-Nord un business qui générerait un tiers du PIB, selon les autorités. C’est plus important que le tourisme. Pour recruter, les universités ont une technique très directe. Elles emploient des agents, souvent d’anciens étudiants, payés à la commission – jusqu’à 800 dollars par étudiant – pour démarcher des candidats. Un système qui génère des dérives, particulièrement de la part des agents africains.
Sur les réseaux sociaux, ces agents multiplient les promesses… souvent fausses. "La majorité des expériences qu’ont les gens quand ils viennent via un agent, c’est qu’ils leur disent : ’Vous trouverez un travail, c’est facile de se loger, ce n’est pas cher, il y a des opportunités pour avoir une bourse’. Alors qu’en fait, c’est très limité. Tous les gens qui viennent ici sont choqués par la réalité qu’ils découvrent. (...)
D’autre n’ont même pas l’occasion d’entrer sur le territoire. Comme nos deux Observateurs qui nous ont alerté et introduisent le reportage, certains sont expulsés dès la douane à Chypre-Nord. "Parfois, la découverte d’un simple numéro de téléphone appartenant à la partie Sud de l’île suffit à renvoyer l’étudiant", explique Emmanuel Achiri, cofondateur de VOIS.
Étudiants désargentés, expulsés, emprisonnés (...)
les offres d’emploi sont rares. Et si payer ses frais de scolarité fait office de visa, se désinscrire équivaut à se retrouver en situation illégale. Des étudiants se retrouvent ainsi en prison, avant d’être expulsés dans leur pays d’origine.
Certains préfèrent rentrer chez eux, parfois après quelques mois à peine. D’autres décident de traverser vers le Sud de Chypre. (...)
Ils rêvent d’obtenir l’asile ou de tenter leur chance en Europe.
À leur arrivée, ils sont dirigés vers le camp de Pournara, où les conditions de vie sont très compliquées, comme l’a documenté un de nos Observateurs.
Une fois dans la partie européenne de Chypre, l’espoir laisse là aussi bien souvent place à la désillusion. Beaucoup ignorent qu’une infime minorité des demandes d’asile sont acceptées (...)
Les délais de traitement sont très longs, jusqu’à cinq ans dans certains cas. Une période durant laquelle beaucoup vivent dans la misère. (...)
"La Turquie pousse les migrants" à traverser
Le nombre de demandeurs d’asile en provenance de la partie nord est en progression constante. Ce qui nourrit plus encore les tensions, déjà fortes, entre les deux parties de l’île. Interrogé par France 24, le ministre chypriote de l’Intérieur, Konstantinos Ioannou, considère que la Turquie est directement responsable de la situation. (...)
De l’avis général sur place, la situation ne semble pas en mesure d’évoluer. Chypre a récemment annoncé affecter 255 policiers spécialement pour patrouiller le long de la ligne verte… et ses 180 kilomètres de long. Laquelle "n’est pas une frontière", rappelle le ministre de l’Intérieur, car la considérer comme telle reviendrait pour Chypre à reconnaître l’existence d’un État propre au Nord. (...)