
La France a un ministre des Affaires étrangères. Les Libyens l’ont appris à coups de bombes, et les Syriens se préparent à les recevoir. Mais la République a pire que ça : elle a un ministre de l’Intérieur, Claude Guéant. Ce Monsieur nous dit : chaque année la France accueille 200 000 étrangers, et c’est trop. Il paraît qu’on est « envahis » (moi, je suis surtout envahi par les courriers d’un huissier de justice qui me demande des ronds, mais c’est une autre affaire). Chaque année, dit-il en reprenant la formule de Le Pen fille, c’est « une ville comme Rennes » qui entre dans l’hexagone.
Tout ça c’est censé nous foutre les jetons : vous avez du mal avec votre loyer, avec les factures, avec les courses, avec l’essence, avec les frais médicaux ? C’est que vous vous gourez : en fait, vous avez un problème avec les étrangers. Ne votez donc pas communiste, votez fasciste, c’est ça votre priorité ! Le message est clair, il suffit d’allumer la télé pour l’entendre.
200 000 étrangers, dit Guéant. En même temps, quand on regarde de près les études des démographes sérieux, on découvre que les étrangers ne font pas augmenter la population : la France aurait un « bilan migratoire avoisinant zéro »
(...) Quand Guéant dit, à la louche, 200 000 étrangers accueillis par an, il oublie juste un tout petit truc : chaque année, 100 000 étrangers quittent la France pour rentrer chez eux, ou partir ailleurs. Du coup, 200 000 moins 100 000, ça fait les 100 000 entrées estimées par l’INSEE. En réalité, la projection de l’INSEE ne tient pas parfaitement compte des facteurs « politiques », et notamment des 30 000 éloignements forcés annuels d’étrangers (tous les trois ans, une ville comme Poitiers est rayée de la carte de France…), et son estimation est donc probablement exagérée. Il reste qu’on se demande comment ça se fait que le bilan migratoire soit proche de zéro. Là réside le coup de maître des xénophobes : toute personne, même d’origine étrangère, du moment où elle a « aussi » la nationalité française, est considérée comme étant française, et c’est normal. Or, tenez-vous bien, si un Français quitte le territoire national pour aller vivre ailleurs, l’Etat français considère qu’il ne « migre » pas, il « s’expatrie », et du coup, il ne figure pas dans les statistiques relatives aux migrations ! (...)