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Étouffée par la politique israélienne, l’apiculture palestinienne meurt à petit feu
Article mis en ligne le 31 juillet 2014

Alors que le carnage commis par l’armée israélienne se poursuit à Gaza, le reste de la Palestine reste sous le joug. Celui-ci pèse sur les moindres domaines d’activité, comme l’apiculture. Qui se révèle, elle aussi, un enjeu politique. Reportage de chaque côté du mur.

 Bir Zeit (Palestine), reportage.

« De nouvelles colonies poussent toutes les semaines un peu partout. Et chacune est entourée d’un périmètre de sécurité, déplore Nazeeh, un apiculteur de Kafer Malik, un sourire fataliste aux lèvres, ma famille ne veut plus que je risque ma vie pour faire du miel. »

C’est le quotidien de la centaine d’apiculteurs professionnels de Cisjordanie qui travaillent sous occupation. Seulement cinq ou six d’entre eux produisent la plus grande partie des sept tonnes produites annuellement mais aucun ne vit de sa production.

« La semaine, je suis inspecteur d’éducation et le week-end, je deviens apiculteur ! On ne peut pas faire autrement ! » s’exclame Nazeeh, père de quatre enfants.

En Cisjordanie, le prix d’un pot de miel (170 shekels, soit 37 euros) représente près de 10 % du salaire moyen (2000 shekels, soit 435 euros). Ces prix s’expliquent : Israël maîtrise tout le commerce extérieur de la Cisjordanie en imposant des taxes exorbitantes et en interne, l’Autorité Palestinienne (AP) ne consacre que 0,8 % de son budget national à l’agriculture. Et malgré les accords de libre-échange entre l’AP et l’Union Européenne, le miel palestinien ne s’exporte que très peu.

L’occupation ou les impossibles transhumances (...)

A côté de Naplouse, une base militaire a par exemple été construite sur un terrain tapissé d’un chardon très mellifère. Auparavant très prisée par les apiculteurs, la zone leur est aujourd’hui interdite d’accès, d’autant que les check-points volants compromettent souvent les transhumances.

A Bil’in, un village situé à deux pas de la ligne de séparation avec Israël, la production de miel relève du défi. Depuis la construction du mur en 2005, des manifestations sont organisées tous les vendredis et la zone est interdite d’accès.

« On a dû enlever nos ruches à cause des gaz lacrymogènes tirés par l’armée israélienne. Le miel n’est plus d’aussi bonne qualité qu’avant » soupire Ahmad, un apiculteur de quarante-quatre ans.

« Avec les abeilles, on pourrait envahir les colonies ! » (...)

Israël : Abeilles et « démocratie verte »

A quelques kilomètres de là, de l’autre côté du mur, le paysage change radicalement : l’autoroute ultra-moderne traverse des champs de blé et de tournesol verdoyants et les tuyaux d’arrosage font des arc-en-ciel dans l’air brûlant. Bienvenue dans le monde merveilleux de l’apiculture sioniste.

Avant même la création de l’Etat d’Israël, les premiers sionistes comprennent le rôle clé de l’abeille pour « reverdir le désert » de Palestine. Dès 1901, le Fonds national juif, (KKL en hébreu) destiné à acquérir des terres pour les Juifs, est très clair dans ses intentions : « Faire du rêve [sioniste] une réalité. »

Au départ consacré au développement du futur Etat, l’organisation surfe aujourd’hui sur la vague du développement durable et diffuse largement l’idée qu’Israël est une « démocratie verte. » L’apiculture joue un rôle décisif dans l’agriculture israélienne : assurée à 60 % par l’apis mellifera, la seule pollinisation mobilise pas moins de 60.000 ruches chaque année. (...)

Sous ses airs romantiques, l’apiculture est donc devenue un enjeu politique majeur en Israël et ce projet s’inscrit dans le plan d’action permanent du KKL : la version française de son site invite à « planter contre le terrorisme. »