
Alors que les chiffres du coronavirus augmentent en France et que la crainte d’une seconde vague s’accélère, le coupable est tout trouvé : la jeunesse,prétendûment incapable de respecter les gestes barrières et qui prendrait l’épidémie avec frivolité.
Des critiques qui s’accélèrent depuis la parution du taux d’incidence chez Santé Publique France, qui montre une contamination bien plus importante chez les 20-29 ans que dans les autres tranches d’âge.
Mais ces critiques ne sont pas si fondées qu’elles n’y paraissent, et semblent en tout cas loin d’être constructives.
Certes, les chiffres sont là. Selon les données de Santé Publique France, magnifiquement mis en graphique par Le Parisien, le taux d’incidence (évolution du nombre de cas sur sept jours pour 100.000 habitants) est de 44,7 chez les 20-29 ans, quand la moyenne toute tranche d’âge confondu est à peine de 17,3. Mais faut-il pour autant considérer que la jeunesse ne respecterait en rien les gestes barrière et n’aurait pas le moindre sens du collectif ?
Aux grands tests, la patrie reconnaissante
Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à la faculté de médecine de l’université de Genève, prend plutôt le parti inverse : « Loin de vouloir porter l’anathème, la nation peut être redevable envers les jeunes qui vont se faire tester alors qu’ils ne risquent pas grand-chose eux-mêmes pour leur santé. Ils le font avec altruisme, afin de mieux connaître leur statut virologique, instituant ainsi un cercle vertueux qui casse les chaînes de transmissions. » Même défense de la vingtaine chez François Buton, chercheur au CNRS et spécialiste de l’histoire de la surveillance épidémiologique qui estime que si, beaucoup de jeunes se font tester avec des résultats positifs, c’est bien qu’ils se fassent tester. Une preuve qu’ils ont une pensée plus collective qu’on ne veut bien le dire.
Surtout, le chercheur met en garde contre la tentative de diviser la population entre personnes responsables et irresponsables. (...)
Il ne faudrait pas faire la même erreur qu’avec le Sida en pointant des catégories de population prétendument à risque, au lieu de souligner que ce sont les pratiques et les situations qui sont à risque et doivent être réfléchies. Ce n’est pas en condamnant qu’on changera les attitudes. »
Une vie socialement plus à risque
Vous l’aurez compris, conspuer la jeunesse ne semble donc pas très pertinent. Mais êtes-vous dans votre bon droit de penser quand même dans votre coin que la plupart des moins de trente piges sont une bande de petits insouciants qui ne respectent rien ? Même pas sûr. Déjà, rien n’indique que par rapport à mars, il y a eu un relâchement de la part des jeunes tout simplement car en mars, faute de tests suffisants, on ne les testait pas (...)
Certes, mais les jeunes plus infectés que les autres, que ce soit depuis mars ou août, c’est bien la preuve qu’ils sont moins soucieux des risques non ? Là encore, il faut tempérer les conclusions et les jugements hâtifs. « Sociologiquement, les jeunes partagent aussi plus souvent leur bureau que les seniors généralement à un rang plus élevé dans la hiérarchie des entreprises ; les jeunes vivent plus souvent dans des logements plus petits, or on a vu que de nombreuses cités-dortoirs ont été l’objet de clusters à Singapour ou aux Etats-Unis par exemple, peut-être y a-t-il plus de jeunes à occuper des emplois plus manuels ou simplement plus exposés », recense le directeur d’Institut. Bref, si les jeunes sont plus contaminés que les autres, c’est peut-être plus subi que provoqué.
Une jeunesse plus martyre que coupable ?
D’autant plus que pour l’instant, les évènements ayant le plus suscité de commentaire comme le rassemblement au Canal Saint Martin dès mai ou les parcs bondés, n’ont pas été identifiés comme ayant généré des clusters. « Certes, on peut dénoncer les fêtes dehors, mais combien y a-t-il eu de clusters liés à ces fêtes ? Il me semble que les situations les plus à risque sont les rassemblements familiaux transgénérationnels, les soirées en intérieur, et surtout les lieux de travail ou les transports collectifs, dans lesquels il faut espérer que le port du masque suffira à réduire la transmission du coronavirus », note François Buton. (...)
Antoine Flahault : « Force est de constater que les jeunes plus que tous paient aujourd’hui un très lourd tribut social et économique à cette pandémie, d’autant plus lourd qu’ils sont finalement peu concernés par les conséquences sanitaires de ce coronavirus mais subissent en revanche de plein fouet les conséquences économiques et sociales à court, moyen et long terme. Ils doivent trouver bien injuste que l’on débatte aujourd’hui de leur rôle dans l’éventuelle seconde vague alors qu’ils se sont montrés jusqu’à présent plutôt coopératifs au moment du confinement strict et général, qu’ils ont appliqué – comme tous – les mesures barrières lorsqu’elles sont devenues obligatoires, et qu’ils se soumettent volontiers au test au moindre symptôme. »
On pourrait aussi arrêter de désinformer les jeunes en leur disant qu'ils ne risquent presque rien.https://t.co/MMtfQ2cm1b
— Maître Pandaï (@Panda31808732) August 18, 2020