
En ce début août, la presse se délecte de la communication d’un avis du Haut Conseil à l’Intégration examinant la question de la laïcité dans les établissements publics d’enseignement supérieur français. Parmi douze mesures, celui-ci préconiserait l’interdiction du port du voile islamique à l’université. Qu’en est-il au juste ?
D’où émane cette communication1 ? A l’heure où j’écris ces lignes (6 août), aucun lien ne permet de télécharger le texte définitif de l’avis in extenso afin de se faire une idée exacte de son contenu2. On ne le trouve pas davantage sur le site même du HCI, dont le secrétaire général Benoît Normand précise qu’il ne devait être rendu public qu’à la fin de l’année. (...)
Les plus honnêtes néanmoins se donnent la peine de fournir la citation par où un scandale si opportun devrait arriver. Il se trouve que la préconisation recommande précisément d’interdire « dans les salles de cours, lieux et situations d’enseignement et de recherche des établissements publics d’enseignement supérieur, les signes et tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse ».
Nuances de taille. La recommandation porte strictement sur les situations de travail effectif (enseignement et recherche), et ne concerne nullement comme certains le laissent croire les campus ou très vaguement « l’université » en général. Par ailleurs, il n’est pas question de tel ou tel signe en particulier. Cela n’empêche pas Ouest-France, entre autres, de traduire en enchaînant directement (pour ceux qui savent trop bien lire) : « Autrement dit, l’interdiction du port du voile à l’université ». Ben voyons… pourquoi s’encombrer de détails ? (...)
En 2008, bien avant d’être sollicitée par Alain Seksig (qui a présidé les travaux de la mission laïcité du HCI) pour participer aux réflexions qui ont mené à la rédaction de cet avis, j’avais écrit un article sur le sujet. J’y développais des arguments qui me semblent toujours valides sur les différences entre les établissements publics scolaires et les établissements publics d’enseignement supérieur, arguments qui excluent la transposition telle quelle de la loi de 2004 (interdiction des signes religieux dans les établissements primaires et secondaires) aux établissements du supérieur. Mais j’écrivais aussi, à la fin de ce texte : « Plus particulièrement à l’université, il n’est pas tolérable que, au nom de la liberté d’opinion, le contenu même de l’enseignement - qui est libre et dont tout étudiant peut librement se détourner - soit refusé, infléchi ou remis en question pour être mis sous tutelle. »
Or ma participation aux travaux du groupe de réflexion autour de la mission laïcité du HCI m’a fait connaître des témoignages très alarmants sur la déstabilisation de plus en plus fréquente du travail universitaire par des groupes militants. Dans des cas plus nombreux qu’on ne le croit, la liberté d’affichage - parfaitement reconnue sur l’ensemble des espaces universitaires - est retournée en obstacle contre la liberté même de l’enseignement et de la recherche pendant les cours et séminaires, en présence des enseignants-chercheurs dont le travail est gravement perturbé. (...)