
Une plateforme internet, https://moruroa-files.org/, rassemblant plusieurs milliers de pages de documents militaires déclassifiés, des analyses à profusion sur le site disclose.ngo et un livre, Toxique. Autant de ressources apportant une enquête approfondi sur les essais nucléaires français dans le Pacifique, dénonçant les mensonges de l’Etat et de ses instances nucléaires (CEA, AIEA, CIVEN…), des conséquences sociales et sanitaires et de l’appropriation nucléaire-militaire de territoires colonisés et du refus de ces structures de reconnaitre et indemniser les très nombreuses victimes des essais nucléaires.
Un héritage empoisonné
Leucémie, lymphome, cancer de la thyroïde, du poumon, du sein, de l’estomac… En Polynésie, l’héritage des essais nucléaires français est inscrit dans la chair et dans le sang des habitants. Le strontium a grignoté les os, le césium s’est concentré dans les muscles et les organes génitaux, l’iode s’est infiltré dans la thyroïde.
L’histoire de cette catastrophe sanitaire et environnementale largement méconnue a débuté le 2 juillet 1966. Ce jour-là, l’armée française procède au tir Aldébaran, le premier des 193 essais tirés pendant trente ans depuis les atolls nucléaires de Mururoa et Fangataufa, à 15 000 km de la métropole. Le premier, aussi, d’une série de tests parmi les plus contaminants du programme nucléaire français : les essais à l’air libre. Entre 1966 et 1974, l’armée a procédé à 46 explosions de ce type. […]
D’après nos calculs, environ 110 000 personnes ont été dangereusement exposées à la radioactivité, soit la quasi-totalité de la population des archipels à l’époque.
Le 18 février 2020, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a publié un rapport très attendu sur « les conséquences sanitaires des essais nucléaires » en Polynésie française. Aux termes de cette étude, les auteurs concluent que les « liens entre les retombées des essais atmosphériques et la survenue de pathologies radio-induites » sont difficiles à établir, faute de données fiables. Et ces deniers de souligner l’absolue nécessité d’« affiner les estimations de doses reçues par la population locale et par les personnels civils et militaires ». C’est précisément ce que nous nous sommes efforcés de faire dans le cadre de cette reconstitution indépendante. Bien loin de l’opacité et des mensonges que l’Etat s’efforce d’entretenir depuis un demi-siècle.
Révélations sur une épidémie de cancers en Polynésie française (...)
Disclose et Interprt, en collaboration avec Sébastien Philippe, enseignant-chercheur à l’université de Princeton, ont publié, mardi 9 mars, le fruit d’une enquête de deux ans sur les conséquences des essais nucléaires dans le Pacifique.
D’après nos conclusions portant sur six essais parmi les plus contaminants du programme nucléaire français en Polynésie, les habitants des Gambier, de Tureia et de Tahiti ont été bien plus exposés aux rayonnements ionisants que l’Etat ne veut bien le dire. Selon nos calculs, ils ont pu recevoir des doses sur tout le corps deux à dix fois supérieures aux estimations établies par le Commissariat à l’énergie atomique (CEA), en 2006. Les mêmes estimations sur lesquelles s’appuie le Comité d’indemnisation des essais nucléaires (Civen) pour examiner les dossiers qu’il reçoit. (...)
Face à cette remise en cause sans précédent des calculs réalisés par le CEA il y a quinze ans, l’organisation s’est fendue d’un communiqué, vendredi 12 mars. Parsemés de contre-vérités et d’approximations, nous y répondons point par point. (...)