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Espagne : quand des prolos côtoient des gens de la classe moyenne et des immigrés autour d’une même lutte
Article mis en ligne le 22 décembre 2015
dernière modification le 18 décembre 2015

Des centaines de milliers de personnes ont été expropriées de leur logement par les banques, après la crise financière, qui a frappé de plein fouet l’Espagne et son secteur immobilier. Dans la foulée du mouvement des indignés, une plateforme de lutte contre les expulsions immobilières (PAH) s’est développée dans tout le pays et a obtenu plusieurs succès. L’une de ses porte-paroles, Ada Colau, a même remporté la mairie de Barcelone avec le soutien du nouveau parti Podemos. Alors que se déroulent ce 20 décembre les élections législatives espagnoles, Carlos Macías, porte-parole de la plateforme en Catalogne, raconte l’histoire de ce mouvement social.

« Le BTP était devenu le modèle économique de l’Espagne, mais avec la crise la fin du “rêve espagnol” a sonné. Jusqu’en 2007, l’État et les banques poussaient les gens à s’endetter, exerçant ainsi une forme de contrôle social : un peuple endetté n’a plus le temps de s’organiser, de penser à faire la révolution ou de défendre ses droits. Avant que la bulle immobilière [1] n’explose en 2008, des gens qui venaient des mouvements sociaux sur le logement ou luttant pour les droits élémentaires se sont regroupés et ont anticipé la crise à venir. Ils ont pensé que les luttes sur le logement pouvaient constituer un sujet politique pour les années à venir. De là est née la PAH [2], ici à Barcelone en 2009, avec la volonté de dénoncer le système en cours et de regrouper les gens qui en étaient victimes en vue d’actions collectives, sur des bases autogestionnaires et d’entraide, avec une organisation en assemblées.

Le mouvement s’est vite propagé. (...)

Une autre force de la PAH, c’est de rassembler des gens différents : ceux qui sont issus du mouvement squat avec leur savoir-faire pour l’ouverture de bâtiments, des anarchistes de toujours et d’autres issus de mouvements plus citoyennistes. Sans compter toutes les personnes pour qui c’est la première forme d’engagement de leur vie. (...)

Des luttes d’Argentine et du Mexique, jusqu’à l’Espagne

Tout cela est comme un engrenage, et le seul acteur-clé, c’est la société civile organisée. Si la rue n’exerce ni pression ni contrôle, la mairie ne pourra rien faire, même avec la meilleure volonté. On est prêts à mettre la misère à Ada Colau et son équipe s’ils oublient la rue. Mais il est vrai que la population est moins mobilisée, nous vivons un moment d’accalmie dans les cycles de lutte. Par ailleurs, les expulsions liées au crédit ont été très rapides et très brutales. Face cachée de l’iceberg, les expulsions liées aux loyers sont inscrites dans un dispositif plus général de précarisation et de crise, ce qui fait que les gens ont du mal à tenir dans la durée.

Les gens qui ont fondé la PAH venaient du mouvement squat et connaissaient bien l’histoire zapatiste au Mexique. Il y avait des liens forts avec ceux qui ont lutté lors de la crise en Argentine, ce qui nous a donné des bases puissantes en termes d’horizontalité et de partage des savoir-faire, dans une perspective révolutionnaire.

Que veut dire “faire la révolution” ? Si cela signifie tout changer du jour au lendemain, ce n’est pas ce que nous sommes en train de faire. Mais il y a des prolos qui côtoient des gens de la classe moyenne ou des immigrés, réunis autour des mêmes enjeux. Des gens qui sans la PAH ne se seraient jamais parlé et qui s’entraident dans des situations concrètes d’expulsions ou de démarches administratives – le tout avec beaucoup de femmes très actives. Ce dialogue transforme l’imaginaire et les a priori de chacun. Or justement, transformer l’imaginaire collectif, c’est déjà un processus révolutionnaire. »