
La chercheuse Camille Schmoll, spécialiste des politiques migratoires en Europe du Sud, analyse le quotidien des migrants dans les centres de rétention italiens à travers le documentaire EU 013 L’ultima frontiera, présenté au festival international du film des droits de l’homme à Paris, les 12 et 13 mars.
En Italie, que fera le gouvernement de Matteo Renzi face à la question des droits des migrants ? La réforme de la loi sur l’immigration était au cœur de la campagne du néo-premier ministre pour son élection à la tête du parti démocrate. Et la question est plus que jamais d’actualité car les protestations dans les centres de rétention administrative italiens ont été particulièrement vives ces derniers mois. A plusieurs reprises, dans le gigantesque centre de rétention de Ponte Galeria, des migrants se sont cousu la bouche, pour protester contre les conditions et la longueur de leur détention. Ils n’ont reçu comme réponse du gouvernement italien que l’expulsion de certains d’entre eux vers le Maghreb. Lundi 24 février, encore, un jeune migrant libyen y a tenté le suicide.
EU 013 L’ultima frontiera, film d’Alessio Genovese et Raffaella Cosentino, appartient à cette génération de films documentaires italiens qui souhaite mettre en lumière le traitement déshumanisant réservé aux migrants irréguliers en Italie, et plus généralement aux frontières de l’Europe (voir également les travaux du laboratoire zalab). Le film, présenté les 12 et 13 mars à Paris dans le cadre du festival international du film des droits de l’homme, traite avec une grande sensibilité de la question de la rétention administrative et montre avec acuité ce que les chercheurs appellent parfois la « reterritorialisation » de la frontière, à savoir ce processus faisant que, si Schengen a supprimé, du moins partiellement, les frontières internes de l’Europe, c’est maintenant à l’intérieur des territoires que se situe le filtrage et la sanction des migrants, menant, dans de nombreux pays, à un usage intensif de la rétention. En Italie, conformément à la directive retour européenne de 2008, la rétention administrative peut durer jusqu’à 18 mois.
Mais cet usage de la rétention concerne de nombreux pays européens (voir Clochard/Migreurop 2012).
Ainsi, si la frontière rompt avec sa structure linéaire, elle ne disparaît pas pour autant. (...)