
Ils éructent contre les homosexuels, les indigènes, les défenseurs de l’avortement et la politique des quotas réservés aux gens de couleur, et se déchaînent contre les mouvements progressistes. Ils fulminent contre les impôts, la corruption et les programmes sociaux du gouvernement. Ils exigent la restauration de la peine de mort, la libre circulation des armes à feu, le retrait des garanties juridiques pour les prisonniers de droit commun. Ils prônent un État minimal et réclament la privatisation (...)
Ils exigent la restauration de la peine de mort, la libre circulation des armes à feu, le retrait des garanties juridiques pour les prisonniers de droit commun. Ils prônent un État minimal et réclament la privatisation des entreprises publiques, et se mobilisent pour réclamer le départ de la présidente Dilma Rousseff, voire sa destitution par l’armée. Portrait de ces nouveaux réacs brésiliens, très influencés par le Tea Party états-unien, par Laurent Delcourt, chercheur au Centre tricontinental. (...)
Dans la chaleur des journées de juin, le phénomène n’avait guère échappé aux commentateurs brésiliens les plus avisés, témoins directs des événements. Deux semaines à peine après le début de ces mobilisations massives qui ont secoué les grandes villes du pays, tous font état d’un changement de cap, de ton et de composition de la protestation. Tous observent une transfiguration du mouvement. Tous notent un subit glissement des revendications : progressistes initialement (baisse du prix des transports, meilleurs services publics, etc.) vers des slogans antisystème, irrationnels, poujadistes ou nationalistes, voire vers des mots d’ordre franchement réactionnaires sur le plan social (lire aussi : Brésil : révolte progressiste ou soulèvement consumériste ?).
Dans un éditorial publié le lendemain de la grande manifestation du 20 juin à São Paulo, le journaliste et historien Gilberto Maringoni, observateur attentif des dynamiques sociopolitiques brésiliennes, insiste déjà sur ce basculement (...)
Nostalgiques de la dictature, intégristes religieux, jeunes hipsters libertariens…
De fait, entamé en juin 2013, le « cycle de mobilisation » ne s’est pas terminé avec l’essoufflement de ces protestations dans les mois suivants. Il a tout simplement pris une toute autre direction et, avec elle, un nouveau souffle. Faut-il encore le rappeler ici, un mouvement ne possède pas automatiquement des attributs progressistes quand bien même est-il jeune et massif ? Car, si l’on a beaucoup dit et écrit que cette mobilisation avait contribué à politiser une jeunesse que l’on a longtemps décrite comme inerte politiquement, force est de constater après coup que pour beaucoup de ces jeunes, cette entrée en politique s’est faite par la porte de droite. (...)
Comme le Tea Party étasunien, cette droite qui mobilise dans la rue et multiplie les actes publics est formée d’une multitude d’organisations et de groupuscules plus ou moins reliés entre eux en réseau. Comme lui, elle est diffuse, présente à la fois dans le monde des médias, dans les administrations, dans les partis politiques et le monde de l’entreprise. Comme lui, elle s’est constituée en réponse à l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement progressiste ou supposé tel (Barack Obama aux États-Unis, Lula au Brésil), et se présente comme le dernier rempart de la démocratie face à l’interventionnisme des pouvoirs publics, indistinctement taxés de communistes, de fascistes et de néonazis (sic).
Thèses conspirationnistes et diatribes anti-solidarité