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Enterrés à Bure, les déchets radioactifs seront bien à l’étroit
#nucleaire #Bure #Cigeo
Article mis en ligne le 6 mai 2023
dernière modification le 5 mai 2023

Que doit exactement contenir Cigéo ? La capacité de ce centre d’enfouissement des déchets radioactifs suffira-t-elle ? De nombreux questionnements subsistent, alors que les travaux se poursuivent à Bure.

(...) « On vient de faire le creusement, ce sera le démonstrateur des galeries destinées à stocker les déchets à moyenne activité et à vie longue, explique la cheffe du centre de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) à Bure (Meuse). Au fond, une paroi grise, parfaitement circulaire : c’est le front de taille, qui sera détruit plus tard pour avancer. On va faire d’ici 2025 le creusement complet, sur 80 mètres, et mesurer à toutes les jointures du revêtement le comportement des roches : température, teneur en gaz, déformation mécanique, pression de la roche, etc. »

Mais derrière la satisfaction des chercheurs de l’Andra, des enjeux inattendus sont en train d’apparaître. Nous sommes à 500 mètres sous terre, dans le laboratoire de l’Andra, qui se veut une préfiguration du centre Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires. Y sont déjà percés plus de 2 kilomètres de galeries plus ou moins larges : un univers uniformément gris, éclairé au néon, bruissant du bruit continu des moteurs de la ventilation.

De loin en loin, des chariots jaunes manœuvrent, tandis que des travailleurs en combinaison orange fluorescent préparent le forage d’une nouvelle galerie. Partout, des câbles courent le long des parois parsemées de part en part de boîtiers d’équipements électriques ou d’écriteaux signalant les extincteurs. Aucune matière radioactive ne s’y trouve : il s’agit ici de « voir comment la roche se comporte face au creusement », dit Emilia Huret. Car avec Cigéo, l’Andra prévoit de creuser 270 km de galeries dans cette couche argileuse formée voici 160 millions d’années. (...)

Cigéo sait-il ce qu’il doit contenir ? (...)

après la déclaration d’utilité publique et la déclaration d’opération d’intérêt national en juillet 2022, l’instruction de la demande d’autorisation de création est en cours par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), avec l’expertise de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), et devrait prendre trois ans. Ensuite, une enquête publique aura lieu sur l’avis de l’ASN, et les premiers déchets sont supposés être enfouis après 2030. (...)

Quand il s’agit de matières d’une nuisance radioactive dépassant 100 000 ans, les étapes administratives paraissent anecdotiques. Sauf que Cigéo — « projet grandiose », selon la conclusion de l’enquête publique, qui n’a tenu aucun compte des oppositions majoritaires ni de l’avis critique de l’Autorité environnementale — n’est pas aussi assuré que le présentent ses promoteurs.

Outre les incertitudes relevées par l’Autorité environnementale, et qui sont censées trouver leur réponse chemin faisant, un questionnement se fait de plus en plus insistant : que doit exactement contenir Cigéo ? Sa capacité promise de 83 000 m3 suffira-t-elle à la montagne de déchets produits par l’industrie nucléaire, et qui sont pour l’instant listés dans un « inventaire de référence » (...)

1. Le problème des déchets bitumineux (...)

2. Interrogations autour des combustibles usés (...)

Selon que ces combustibles des EPR2 seront ou non retraités à l’usine Orano de La Hague (Manche), ils augmenteront de 20 à 40 % l’emprise du stockage comme envisagé aujourd’hui pour Cigéo et qui a été présenté lors de l’enquête d’utilité publique en 2021.

Un changement conséquent — creuser 378 km de galeries n’est pas vraiment pareil qu’en ouvrir 270 —, qui augmentera la quantité de radioactivité à contenir et la durée d’exploitation de Cigéo, dont l’horizon passerait alors à environ 2200…

3. Un « inventaire de réserve »

Troisième difficulté : pour l’instant, Cigéo est conçu par rapport à un inventaire de référence. Mais il existe un « inventaire de réserve », qui envisage l’éventualité d’un non-retraitement des combustibles usés. À la différence des autres pays, la France a en effet choisi de « retraiter » les combustibles usés pour en séparer le plutonium, ce qui conduit à des difficultés de gestion : alors que d’autres, comme la Finlande, n’ont qu’un type de déchets à gérer — les combustibles usés —, la France se retrouve avec des déchets à haute activité, mais aussi des combustibles usés, du Mox usé (mélange d’uranium et de plutonium), de l’uranium de retraitement, etc.

Or la possibilité d’arrêter ce retraitement est devenue d’une actualité brûlante depuis que Bernard Doroszczuk, président de l’ASN, a appelé le 19 janvier 2022 à « anticiper la mise en place de solutions alternatives pour la gestion des combustibles usés, qui devront être disponibles à l’horizon 2040, si le retraitement est arrêté ». (...)

En attendant, tout indique que la sagesse est de ne pas se précipiter. (...)