
Des opposants, qui envisagent de dénoncer la dégradation de l’économie, sont torturés avant même l’organisation de manifestations.
Il serait difficile de considérer la modeste manifestation du syndicat des enseignants ruraux devant le ministère des finances vendredi 23 août, à Harare, comme le premier pas vers une insurrection généralisée au Zimbabwe. Certes, les représentants de l’Artuz (Union des syndicats d’enseignants ruraux) avaient, pour appuyer la portée symbolique de leurs revendications salariales, fabriqué et exhibé un petit cercueil censé représenter la mort clinique de leurs conditions de vie, le tout appuyé par le slogan « payez pour l’enterrement ».
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Ce trait d’humour presque héroïque, vu le contexte d’effondrement économique du pays (il devient de plus en plus difficile de se rendre au travail pour ceux qui ont un emploi, faute de pouvoir payer le coût du transport avec leur salaire), n’a pas dissuadé les autorités d’ordonner la dispersion musclée du regroupement et l’arrestation de dix de ses participants. (...)
128 personnes ont déjà été arrêtées à la suite d’une manifestation qui n’a pas eu lieu, celle du 16 août. Le secrétaire général chargé de l’organisation du MDC, Amos Chibaya, a été interpellé dans ce cadre, pour « ne pas avoir appelé publiquement à l’annulation de la manifestation ». (...)
Le 16 août, le premier volet de cette série de manifestations, à Harare, avait été interdit seulement quelques heures avant sa tenue. Mais des mesures d’intimidation avaient commencé les jours précédents. Six opposants avaient été enlevés, et « gravement torturés » selon le Forum zimbabwéen des droits humains. (...)
Le cas de Samantha Kureya dite « Gonyeti », qui anime une émission satirique, a frappé les esprits : en février, elle avait déjà été arrêtée après s’être moquée gentiment de la police dans l’un de ses sketchs. Le 22 août, des hommes en uniforme, masqués, ont enfoncé sa porte, l’ont tirée de son lit en petite tenue et emmenée dans un endroit désert, avant de la battre, puis de l’abandonner nue au milieu de la nuit, après l’avoir contrainte à boire de l’eau d’égout.
Lorsque Robert Mugabe, l’ex-président, était au pouvoir (1980-2017), il était de coutume que la violence s’abatte après une manifestation du MDC. Désormais la répression est préventive, et a même lieu hors de toute présence physique de sympathisants supposés dans la rue. (...)
l’inflation atteint 500 % selon des experts indépendants et qu’une étrange monnaie électronique a été mise en place pour servir de devise nationale, en remplacement des dollars américains qui font défaut dans le pays. Le pouvoir a proposé, dimanche 25 août, une augmentation de 76 % des salaires de la fonction publique – dont les membres affirment qu’ils cesseront bientôt d’être en mesure de se rendre sur leur lieu de travail ; les responsables du syndicat de cette branche (Apex Council), ont aussitôt refusé, conscients que la proposition de réajustement est exprimée en monnaie zimbabwéenne, dont la valeur diminue rapidement. (...)