
La revue Belge « l’Observatoire » vient de publier son numéro 110 qui présente un dossier sur le Numérique en posant cette question : Quels risques pour les plus fragiles ?
« Les courriels remplacent les courriers, les achats se font en ligne, la vie sociale s’organise à travers les réseaux sociaux, et chaque citoyen semble pareillement connecté et capable de profiter des nombreux avantages et possibilités qu’offrent les nouvelles technologies. Mais est-ce là la réalité ? » demandent les 2 éditorialistes « Si effectivement ces technologies ouvrent sur un nouveau champ des possibles, sommes-nous tous égaux et prêts face à celles-ci ? » On a tout de suite envie de répondre par la négative. Non, nous ne sommes pas tous égaux… Et c’est bien là le problème.
Trois risques identifiés du côté des citoyens confrontés à la dématérialisation
Les pratiques numériques des Français révèlent de fortes inégalités. Il y a celles et ceux qui sont agiles, n’ont aucun problème tant sur l’aspect matériel technique et de maitrise. Et il y a les autres. (...)
« La dématérialisation introduit des inégalités de fait dans l’accès aux services publics et l’accès aux droits sociaux » expliquait devant les sénateurs en mai 2020 Jacques Toubon alors Défenseur des Droits. Face à la dématérialisation les plus fragiles sont confrontées à 3 types de risques souvent pris séparément alors qu’ils ont plutôt tendance à se cumuler.
Le premier porte un renforcement des mécanismes d’exclusion par l’absence d’équipement ou leur difficulté d’usage des outils. (...)
Le second risque aborde la contrainte dans laquelle se trouve le citoyen qui ne dispose pas des outils ou qui ne les maitrisent pas. L’absence d’alternative est un réel facteur d’exclusion. (...)
Pour la Défenseure des droits, le numérique est devenu un obstacle sur le chemin des droits sociaux. Les citoyens sont en droit d’attendre des services humains en réponse aux situations spécifiques, écrit Claire Hédon dans son rapport (...)
Le 3ème et dernier aspect des risques identifiés porte sur le partage des informations, le respect de la vie privée et le consentement. Communiquer des informations relevant de la vie privée est devenu une obligation pour toute personne qui souhaite percevoir des prestations sociales. Elles le font sans vraiment y consentir, tout simplement parce qu’elles n’ont pas le choix. (...)
Mais on ne peut pas non plus considérer que les usages du numérique et son déploiement soient les seules causes des difficultés rencontrées, : une grande part d’entre-elle proviennent de la multiplication, de la complexification des règles administratives et de la législation qui se sont déployées au fil du temps. (...)
La cyberdépendance, le nouveau mal du siècle ?
Si on parle des risques liés aux usages de l’internet, que l’on soit habile ou pas dans le maniement des outils et des applications, on ne peut que s’interroger sur les évolutions de comportement qui sont liés à l’usage effréné des applications diverses et variées. Notre société est désormais confrontée à des personnes qui font face à des « addictions numériques » qui si elles sont communément admises, comme non problématiques par une grande part de la population, peuvent interroger les soignants, mais aussi les décideurs. On parlera alors de cyberdépendance.
Une étude pilotée par le laboratoire Kaspersky Lab auprès des Français et d’autres habitants de pays européens a démontré leur engouement pour le téléphone mobile intelligent. Nombreux sont ceux qui ont du mal à s’en séparer même au moment de se coucher. (...)
Nous sommes aussi désormais sujet à ce que l’on appelle désormais l’amnésie numérique : nous oublions des informations essentielles que nous connaissions par le passé pour les confier à un appareil chargé de s’en souvenir à notre place. Notre mémoire mentale s’appauvrit au bénéfice de notre mémoire numérique.
Julien Benguigui, dans sa thèse intitulée« La cyberdépendance. Données de la littérature et résultats d’une étude sur 48 cas », explique que les addictions se déclinent en 2 grandes familles : les usages pathologiques généralisés d’internet (UPGI) et les usages pathologiques spécifiques de l’internet (UPSI). (...)
Du côté des UPSI, « Les sujets entretiennent avec leur ordinateur une relation de fascination. » « Dans cette catégorie, ils aiment tellement leur machine qu’ils sont capables de toutes les excentricités ». (...)
Même sans souffrir d’addictions, nombreuses sont en effet les personnes qui restent littéralement « accrochées » à leur smartphone. Elles ne peuvent pas sortir sans l’avoir avec elles et ne peuvent s’empêcher de relever leurs emails vérifier leurs boîtes à lettres virtuelles ou d’aller sur les réseaux sociaux.
Les usages pathologiques spécifiques de l’internet (UPSI) sont eux aussi assez identifiables. Il y en aurait 6 grandes familles avec
- La dépendance communicationnelle (...)
- La dépendance aux jeux d’argent en ligne (...)
- La dépendance aux jeux en réseau (...)
- L’achat compulsif en ligne (...)
- La dépendance à la cyber sexualité (...)
- La dépendance au travail (...)
En conclusion
Ce très rapide tour d’horizon rapide des dépendances liées aux usages du numérique n’est pas exhaustif mais nous montre l’ampleur du problème. Les usages de l’Internet sont paradoxaux. Ces applications et services en ligne nous libèrent autant qu’ils nous asservissent. Comment garder son libre arbitre face à ces outils qui sont pilotés par des algorithmes qui permettent de scruter nos réponses, de renforcer le prévisible en nous sollicitant sans cesse ? C’est peut là aussi la question à laquelle il faudra pouvoir répondre à l’avenir. (...)