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En pleine visite d’Emmanuel Macron, nouvelle vague d’arrestations politiques en Égypte
Article mis en ligne le 1er février 2019

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les intentions affichées par Emmanuel Macron soient soumises à l’épreuve de la réalité. Au moment même où le président français affirmait, durant son séjour au Caire, vouloir redonner de l’importance à la question des droits humains dans la relation entre la France et l’Égypte, les forces de sécurité du régime d’Abdel Fattah al-Sissi arrêtaient plusieurs opposants politiques appartenant à la gauche égyptienne. Puis, le président français à peine remonté dans l’avion, un journaliste de retour au Caire était arrêté mardi à l’aéroport. Le gouvernement français va-t-il réagir ?

On pourrait y voir un sacré pied de nez au discours prononcé par Emmanuel Macron durant sa visite de deux jours en Égypte, dimanche 27 et lundi 28 janvier. Le président français avait affiché, lors d’une conférence de presse commune avec son homologue égyptien Abdel Fattah al-Sissi, une volonté de réintroduire la question des droits humains dans les relations entre les deux pays, jusqu’ici plus centrée sur la coopération sécuritaire – et notamment sur les ventes de matériel militaire. Mais à peine le président français avait-il repris l’avion que le journaliste et photographe égyptien Ahmed Gamal Ziada était arrêté à l’aéroport du Caire, dans l’après-midi du mardi 29 janvier.

Ses proches sont depuis sans nouvelles. Nul ne peut confirmer, à ce jour, où le journaliste a été conduit, ni quelles sont les charges retenues contre lui. Ahmed Gamal Ziada arrivait de Tunisie – où il venait de passer six mois en formation – pour passer un entretien d’embauche au syndicat égyptien des journalistes. Il n’y est jamais arrivé. (...)

Dans son dernier post Facebook avant son arrestation, daté du 26 janvier, Ahmed Gamal Ziada évoquait l’anniversaire de la révolution de 2011, qui a conduit au départ du dictateur Hosni Moubarak et à l’ouverture d’une brève parenthèse démocratique. Évoquant « un mélange de sentiments contradictoires et opposés », tels que « fierté, douleur, peur et courage », le journaliste ajoutait : « Cependant, un sentiment est certain et n’a pas d’opposé : notre amour pour la révolution de janvier, pour tous ceux qui y croient et défendent ses principes, tous ceux qui cherchent à satisfaire ses nobles exigences : "pain, liberté, justice sociale" (...)

RSF rappelle qu’« au moins 32 journalistes égyptiens sont actuellement détenus en Égypte ». Mais « certains travaillent en freelance, et sont très jeunes. Ils n’ébruitent pas toujours leur travail, surtout si c’est avec un média d’opposition. D’autres vendent leurs images à un intermédiaire ou à des plateformes, et ne sont pas en contact direct avec un média. Quand ils sont arrêtés, il faut du temps avant que l’information circule », précise Sophie Anmuth.

Nouvelle vague d’arrestations à gauche
Les opérations policières des derniers jours n’ont pas seulement ciblé le journaliste Ahmed Gamal Ziada. Une vague d’arrestations débutée dimanche, alors qu’Emmanuel Macron était à peine arrivé au Caire, a également frappé plusieurs personnalités et activistes de l’opposition égyptienne de gauche. Le physicien Gamel Abdel Fattah, l’avocat Mohab al-Ebrashi, et les trois activistes Khaled Basyouni, Khaled Mahmoud and Mostafa Faqir ont été arrêtés après avoir assisté à un concert de commémoration de la révolution de 2011, organisé samedi au siège du parti al-Karama (dignité). Ce dernier est lui-même membre d’une coalition politique de gauche comprenant sept partis, le Mouvement civil démocratique (CDM).

L’un des membres du bureau politique d’al-Karama, Abdelaziz Fadaly, serait également détenu, de même que Yehia Hussein Abdel Hady, ancien porte-parole du CDM, arrêté le 29 janvier après la publication d’un communiqué du mouvement. Le CDM dénonce une « agression contre les libertés » ainsi qu’une opération de « revanche contre les révolutionnaires du 25 janvier et leurs enfants ». Il s’agit de la seconde vague d’arrestations visant la gauche égyptienne depuis l’été dernier.

Au mois de mars 2018, Abdel Fattah al-Sissi a été réélu président avec 97% des voix, après avoir fait arrêter ou discréditer ses principaux opposants. La campagne avait déjà été marquée par une montée en puissance de la répression. Le président égyptien envisage désormais une réforme constitutionnelle lui permettant de rester au pouvoir au terme de son second mandat, une possibilité à laquelle le CDM a exprimé son opposition.

« Une architecture de surveillance et de contrôle orwellienne »
Dans un communiqué publié quelques jours avant la visite d’Emmanuel Macron, Amnesty international qualifiait l’Égypte de pays « plus dangereux que jamais pour les dissidents pacifiques » et de « prison à ciel ouvert pour ses détracteurs ». L’ONG Human Rights Watch évoque, de son côté, une « épidémie de torture » constituant un possible « crime contre l’humanité ». (...)

L’arrestation d’Ahmed Gamal Ziada et des militants proches du CDM questionne déjà les intentions affichées par Emmanuel Macron : face à la violence du régime Sissi, les paroles suffiront-elles à transformer la réalité ? Dans un premier temps, l’exécutif français compte-t-il demander leur libération, communiquer publiquement, faire pression ? Interrogé par Basta !, l’Élysée n’a pas apporté de réponse à ces questions.