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Urgence Transformation Agricole et Alimentaire
En pleine pandémie mondiale, la France brade ses stocks de blé à l’export
Article mis en ligne le 21 avril 2020

Depuis plusieurs semaines, les échanges internationaux sont fortement ralentis, parfois bloqués, et très souvent incertains. La crise du coronavirus aura démontré toutes les limites de la mondialisation économique, et de l’inconséquence de ne pas faire de l’indépendance alimentaire une politique majeure d’un État.

Alors que les français s’inquiètent d’un risque de pénurie sur des aliments de première nécessité et que le prolongement de cette crise mondiale est probable, la France adopte une bien étrange stratégie sur les marchés internationaux des céréales : le prix fob du blé français est au plus bas ($226/t soit 206€/t), et en tout cas plus bas que celui des blés d’autres pays producteurs (qui varient de $230 à $279€/t)

Déjà au mois de mars 2020, les exportations de blé français vers les pays tiers avaient augmenté pour atteindre un niveau record. D’après FranceAgriMer, l’augmentation du flux est très marquée en direction de la Chine : 314 000 tonnes de blé y ont été expédiées rien qu’au cours du mois de mars [2]. Depuis le début de la campagne, ces exportations vers la Chine sont, à cette date, plus de 5 fois supérieures à celles de l’an dernier. Les exportations de blé sont également importantes en direction du Maroc et de l’Afrique de l’Ouest (comme c’est généralement le cas). Cette hausse des exports vers les pays tiers n’est pas compensée par la baisse des exports vers les pays membres de l’UE (335 000 tonnes en moins) ni par la baisse potentielle de la consommation domestique.

Les stocks en fin de campagne étaient plutôt faibles et la future récolte française et européenne s’annonce compliquée [3] : cette stratégie agressive à l’export semble plus qu’hasardeuse. La France brade littéralement son blé sur les marchés à l’export, et dilapide ses maigres stocks.

  • En pleine crise sanitaire, face au risque de pénuries, quel intérêt avons-nous à dilapider nos stocks déjà minimes ?
  • Alors que les prix internationaux sont déjà faibles et peu rémunérateurs, pourquoi le blé français est-il affiché à un prix si bas, qui s’apparente fort à un prix de dumping ?
  • Pourquoi exporter ce blé vers la Chine alors qu’on estime que ce pays concentre déjà 55% des stocks mondiaux de céréales ?

Il est légitime de nous interroger sur la stratégie des coopératives et autres acteurs de l’agroalimentaire français. Et il est inquiétant que le Ministre de l’Agriculture n’ait pas un œil averti sur ce sujet.

Cette logique productiviste (blé standard à fort rendement à l’hectare mais de faible qualité) qui nous conduit aujourd’hui à augmenter nos exportations, dans un contexte incertain, pourrait bien se retourner contre nous, en accroissant notre dépendance future aux décisions unilatérales des pays qui, comme la Chine ou la Russie [4], accumulent au contraire des stocks. (...)

Plus globalement, nous sommes beaucoup à interroger notre manque de souveraineté alimentaire sous couvert de la « vocation exportatrice » de l’agriculture française (...)

A l’avenir, nous devrons remettre sur la table l’ensemble des politiques agricoles et commerciale françaises et européennes, à commencer par la « vocation exportatrice » de l’agriculture française et les divers accords commerciaux avec l’Amérique latine ou l’Afrique.

Ce sont bien là des histoires de Cigale et de Fourmi. Et nous savons bien que, « quand la bise fut venue »…