
Si la politique de santé n’est globalement pas un thème de campagne électorale, les dépassements d’honoraires ont donné lieu à des prises de position contrastées[1], mais reposant sur un constat quasi unanime : la situation actuelle n’est pas tenable.
Ce constat doit beaucoup à la médiatisation des pratiques tarifaires insolentes de certains médecins dont s’est récemment fait l’écho le magazine 60 millions de consommateurs, relayé notamment par les quotidiens Le Parisien ou Le Monde qui y ont consacré leur « une » : les dépassements peuvent aller jusqu’à 408% du Tarif de la Sécurité sociale (TSS) avec des montants allant jusqu’à 5000 € pour une prothèse de hanche ou 1490 € pour l’opération de la cataracte. S’ils sont exorbitants, ces exemples ne sont pas caricaturaux car ils vont dans le même sens d’études plus « officielles » comme celle de l’inspection générale des affaires sociales[2] qui a chiffré le montant moyen des dépassements d’honoraires en clinique pour un accouchement à 178 €, 200 € pour la chirurgie du cristallin et 105€ pour une coloscopie. Si le montant moyen et la fréquence sont plus faibles à l’hôpital public, ils restent significatifs et le service public hospitalier est aussi gangréné par les dépassements d’honoraires. (...)
Comment en est on arrivé là ? Ces dépassements relèvent de la responsabilité de la politique publique quand elle a autorisé en 1980 les médecins qui le souhaitent à s’inscrire en « secteur 2 » c’est-à-dire à percevoir des dépassements contrairement à ceux restés au TSS et dits du « secteur 1 ». En déconnectant le revenu des médecins des tarifs de la sécu, la puissance publique n’a pas seulement satisfait la demande de revalorisation tarifaire d’une profession car il suffisait alors d’augmenter le tarif officiel de la consultation. Le secteur 2 autorise la liberté des honoraires et est une concession à la médecine libérale qui cherche à garantir ou à obtenir des libertés de toutes sortes (de prescription, d’installation). (...)
En individualisant les rémunérations des médecins, le secteur 2 détache le prix payé par le patient du prix remboursé par l’assurance maladie et participe à la stratégie de transfert de charge vers le patient. Cette façon de désengager la Sécurité sociale donne satisfaction à la médecine libérale. Le néolibéralisme fait bon ménage avec le libéralisme médical. (...)
Cette politique est suicidaire car elle ne fait pas que poser de graves problèmes d’accès aux soins. Elle est aussi couteuse pour les budgets publics. (...)