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En Tunisie, les mouvements sociaux en première ligne dans la lutte contre le terrorisme
Article mis en ligne le 23 mars 2015

Après l’attentat au musée du Bardo, comment réagissent les Tunisiens ? Alors que les rassemblements ont été jusqu’à présent sporadiques, des citoyens engagés – jeunes, syndicalistes, chômeurs en grève de la faim ou militants écologistes – s’apprêtent à rejoindre le Forum social mondial qui débute mardi 24 mars, à Tunis. Ils porteront la voix des luttes sociales et environnementales qui se multiplient dans le pays. Des mouvements sociaux fer de lance de la lutte contre l’obscurantisme et le terrorisme. Reportage dans la ville de Gabès et sur l’île de Djerba.

(...) « Il ne faut pas avoir peur, on est en sécurité ici », affirme Khaled, qui a grandi dans une oasis près de Gabès. « Les terroristes n’ont aucune relation avec l’islam, ce sont des criminels ! », renchérit son ami, Mohamed Ali, un jeune cadreur. Il s’inquiète cependant : « Ces attentats vont provoquer de l’instabilité politique, qui vient s’ajouter au désespoir économique. » A Gabès, des jeunes diplômés chômeurs ont entamé une grève de la faim depuis trois semaines pour obtenir un emploi.

« Pour lutter contre le terrorisme, il faut s’attaquer au chômage »

Des bouteilles d’eau sucrée sont alignées à l’entrée du local de la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH) à Gabès, où sont accueillis ces grévistes. Ils sont huit, âgés de 30 à 40 ans, dont deux femmes. Tous sont diplômés, titulaires de maitrises voire de doctorats. Mais au chômage depuis plus de dix ans. « Ce ne sont pas de simples chômeurs, mais des chômeurs persécutés pour avoir été militants de syndicats étudiants », explique Abdeljabbar Reguigui, militant de la LTDH. « Sous la dictature de Ben Ali, il y avait un filtre sécuritaire qui ne permettait jamais à ces militants d’obtenir les concours dans la fonction publique. » Quatre ans après la révolution, ces jeunes toujours privés d’emplois s’estiment « délaissés » par le gouvernement. La revendication de ces militants, membres de l’Union des diplômés chômeurs (UDC), est simple : obtenir un emploi. Mais dans un pays où le taux de chômage officiel est de plus de 15 % – les personnes rencontrées évoquant plutôt 20, voire 25 % –, les jeunes ont d’énormes difficultés à se faire embaucher. (...)

« La dignité est en lien direct avec l’argent. Je ne veux pas être éternellement obligée de tendre la main vers mes parents, explique t-elle. On veut arriver en haut de l’échelle sociale sans recourir à la corruption et sans porter préjudice à notre pays. La priorité politique est d’aider les jeunes Tunisiens qui refusent de partir faire le djihad. Il faut vraiment des décisions politiques qui prennent en considération notre combat. »

Le rendez-vous qu’ils ont obtenu auprès du ministre de l’emploi à Tunis avait allumé une lueur d’espoir. « Mais tout est parti en fumée avec l’attentat, déplore Abdeljabbar. Le pays s’en va en guerre contre le terrorisme et les revendications sociales n’ont plus de place. L’éradication du terrorisme ne doit pas signifier l’éradication des libertés, des droits et des revendications sociales. » (...)

Se battre pour l’écologie et pour la paix

Dans la cour du syndicat, au lendemain des attentats, des jeunes préparent le Forum social mondial (FSM), le rassemblement altermondialiste qui débute le 24 mars à Tunis, et va rassembler des ONG, des syndicats et des associations du monde entier. L’occasion pour les jeunes de Gabès de faire entendre leur voix dans la capitale. Leur symbole : des masques anti-pollution avec un logo nucléaire, qu’ils dessinent avec des bombes de graffiti sur de grandes bâches. Leur mot d’ordre : « L’avenir vert ». (...)

« Le FSM nous permettra aussi de montrer notre solidarité et notre unité, alors que les terroristes veulent que nous arrêtions de vivre, raconte Ala Ben Kabeh, un journaliste de 22 ans. La Tunisie est un pays de culture et de paix. »

Liberté d’expression et organisation de la « société civile »

Depuis la révolution, les initiatives citoyennes se multiplient. La liberté d’expression retrouvée favorise la création d’associations. La « société civile » – expression utilisée par tous ces acteurs – s’organise progressivement. (...)

Avec son association, Chedly Ben Messaoud organise début juin une chaîne humaine pour la paix et la tolérance. Cette année, l’événement revêtira une importance toute particulière après l’attentat du 18 mars, sur une île connue pour son mélange des cultures. Sur ses 140 000 habitants, Djerba compte entre 2000 et 5000 résidents permanents juifs et l’une des plus anciennes synagogues d’Afrique. C’est cette synagogue de Ghriba qui a été touchée, en 2002, par un attentat suicide faisant 19 morts. (...)

En Tunisie, le travail est immense, pour continuer la transition démocratique, le développement économique, la construction d’une société civile solide. Mais la mobilisation citoyenne ne faiblit pas.