
En 2018, près de 10.000 oliviers ont été vandalisés par des colons ou par les autorités israéliennes en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Des attaques « principalement menées par des colons motivés par la haine, dans le but de blesser et de terroriser les Palestiniens », dénonce une ONG palestinienne.
À 200 mètres de Jalud, son village natal, Mahmoud « al-Hajj Mohammad » marche d’un pas pressé, balayant la broussaille sur son passage. « On n’est pas censés entrer dans cette zone, il faut faire vite, dit-il. Normalement, je dois demander une permission pour accéder à mes terres, et on court des risques à cause des colons. » Le fermier palestinien stoppe sa course au sommet d’un monticule. Légèrement essoufflé, les sourcils plissés, il pointe l’horizon du doigt : « Voilà ce qu’il reste de mes oliviers. » Face à lui, sur une petite colline, la moitié des arbres sont noirs comme le charbon.
En juin dernier, une partie de son champ d’oliviers a été détruit dans un incendie. « C’était durant l’Aïd-el-Fitr [la fête musulmane marquant la rupture du jeûne du mois de ramadan], raconte-t-il. (...)
L’oléiculteur désigne le sommet de la montagne. Des dizaines d’habitations surplombent ses champs d’oliviers : « C’est la colonie d’Eli [1]. Ceux qui ont brûlé mes arbres y vivent. Ils sont déjà venus plusieurs fois dans mes champs pour nous agresser et abîmer les oliviers. »
« Ces arbres sont le fruit d’un héritage familial, et ils veulent les détruire ! » (...)
« En tout, 500 arbres ont été brûlés, dit Mahmoud. J’ai mal au cœur en voyant cela. Ces terres étaient celles de mon grand-père. Ces arbres sont le fruit d’un héritage familial, et ils veulent les détruire ! » (...)
Outre les conséquences environnementales néfastes, la multiplication de ces actes de vandalisme porte un coup à l’économie palestinienne. « Chaque année, on perd un peu plus d’argent, on est très endettés. » Au total, la production d’huile d’olive contribuerait à 14 % de l’économie palestinienne. (...)
Cet arbre fruitier fait partie intégrante du paysage local, au point qu’il est devenu un emblème de la Palestine. Symbole de paix dans les religions monothéistes [2], il est aujourd’hui victime du conflit (...)
Lorsqu’ils ne sont pas partiellement coupés, les arbres sont carrément déracinés. Comme pour les oliviers de Mahmoud, certains champs sont réduits en cendres. Mais le plus souvent, les arbres sont endommagés après le versement des eaux usées des colonies dans les champs palestiniens. (...)
Les actes de vandalisme contre les oliviers sont principalement concentrés dans la région de Naplouse, où se trouvent les terres de Mahmoud « al-Haj Mohammad », avec 2.334 oliviers endommagés en 2018. En cause : l’importante concentration de colonies dans le nord du territoire palestinien. (...)
Dans un communiqué envoyé à l’Agence France-Presse, Yesha, la principale organisation représentant les colons de Cisjordanie, affirme « déplorer tous les actes de vandalisme », assurant que les « champs israéliens de Cisjordanie » sont aussi victimes de « terrorisme agricole ». Mais les agriculteurs israéliens et palestiniens ne semblent pas sur un pied d’égalité face à ce type d’attaques.
« Ils protègent les colons avant tout, même quand les Palestiniens sont clairement les victimes » (...)
Après ce type d’attaques, certains paysans, soutenus par des ONG israéliennes, se tournent vers la justice. Mais 93 % des plaintes déposées par des Palestiniens à la suite d’actes de vandalisme sur les arbres perpétrés par les colons sont déboutées par la justice israélienne, sans inculpation [5]. De quoi décourager les agriculteurs, comme Basel : « Je ne les ai pas poursuivis en justice parce qu’il n’y a pas d’espoir, ils ne seront jamais arrêtés. » (...)
Selon l’organisation israélienne de défense des droits de l’Homme B’Tselem, « cette violence exercée par les colons est une “branche” non officielle de l’État, qui opère dans un territoire palestinien occupé, avec pour objectif de conquérir de plus en plus de terres pour l’extension des colonies. » L’État hébreu détruit lui-même régulièrement des oliviers [6], pour construire des bases militaires, ou poursuivre la construction du mur de séparation entre Israël et la Cisjordanie. (...)