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En Guyane, les groupes miniers préparent « la grande braderie » du territoire
Article mis en ligne le 1er mai 2019

En dépit des mobilisations citoyennes, les compagnies minières sont plus nombreuses à demander et à obtenir des permis d’exploration aurifère. Parmi elles, des multinationales, aux aguets de l’arrivée historique de l’exploitation industrielle de l’or guyanais.

Le 25 mars dernier, le Premier ministre, Édouard Philippe, interrogé sur le projet de la Montagne d’or, déclarait dans les colonnes du quotidien France-Guyane que « l’avenir de la filière aurifère en Guyane ne peut pas, ne doit pas dépendre du sort d’un seul projet ». Le projet d’exploitation d’une mine industrielle sur le site de la Montagne d’or par un consortium russo-canadien rencontre une opposition croissante. Des élus ont rejoint cette contestation, comme le député guyanais Gabriel Serville, qui a récemment déposé à l’Assemblée nationale une proposition de résolution visant à interdire l’utilisation du cyanure dans l’industrie minière. La mobilisation contre la Montagne d’or et sa médiatisation pourraient contrecarrer l’ouverture de cette mine, mais les compagnies extractives et l’État français n’abandonnent pourtant pas l’idée d’une exploitation industrielle de l’or guyanais. (...)

Philippe Boré, membre du collectif Or de question créé pour lutter contre le projet de la Montagne d’or, raconte avoir pris récemment conscience de l’ampleur du phénomène. « Le débat public nous a permis d’obtenir des chiffres dont nous n’avions jamais eu communication jusque là », à savoir qu’en mai 2018 près de 300.000 hectares étaient déjà concernés par des activités d’extraction ou des projets de recherches minières. « Nous avons été stupéfaits par l’importance de la surface mais, pris dans l’agitation du débat public sur le projet Montagne d’or, nous n’avons pas été plus loin dans l’investigation », explique le militant.
« Un grand débat aurait dû sceller le choix des peuples de Guyane de refuser l’industrialisation aurifère de notre territoire » (...)

Signe que l’opposition des habitants ne fait pas renoncer les compagnies minières, la société Iamgold, bien connue en Guyane, y détient aujourd’hui quatre permis d’exploration. Il y a une dizaine d’années, Iamgold avait un projet de mine industrielle sur la Montagne de Kaw auquel une mobilisation citoyenne avait mis un terme. À ce moment, « un grand débat aurait dû sceller le choix des peuples de Guyane de refuser l’industrialisation aurifère de notre territoire. Mais rien n’a été fait à ce sujet », relate Philippe Boré, qui avait participé à cette mobilisation : « Les citoyens guyanais opposés au pillage de notre patrimoine par des multinationales doivent repartir à zéro pour informer la population de la grande braderie qui se déroule à nouveau. » (...)

Autre société derrière laquelle se cache Newmont : la compagnie Armina ressources minières également dans la course aux permis d’exploration qui se joue actuellement en Guyane. Cette dernière est le résultat d’une coentreprise entre Newmont et la compagnie Auplata dans le but de mener les campagnes d’exploration des PER d’Iracoubo-Sud et de Bon Espoir. Auplata explique sur son site internet que les dépenses d’exploration engagées par la multinationale jusqu’à douze millions de dollars permettent « à Newmont de porter sa participation dans la coentreprise jusqu’à 75 %, Auplata conservant les 25 % restants ».

Cette évolution reçoit l’assentiment d’une partie de la classe politique locale (...)

Auplata, premier producteur d’or français, coté en bourse, et historiquement implanté en Guyane, fait partie des acteurs clés de l’industrialisation de la filière aurifère. En effet, cette société est sur le point de faire entrer en opération la toute première usine de cyanuration de la région, sur le site de Dieu Merci, à 120 km à l’ouest de Cayenne. (...)

En octobre 2018, une commission d’inspection interministérielle s’est rendue en Guyane pour travailler sur « les enjeux économiques, sociaux et environnementaux des grands projets miniers ». Parmi les compagnies minières implantées en Guyane, les membres de la commission ont déclaré n’avoir rencontré que la Compagnie de la Montagne d’or et Auplata, mais pas de petits exploitants artisanaux, comme la Guyane en compte pourtant quelques dizaines. Ils se sont également rendus au Suriname voisin pour visiter les sites miniers de Rosebel et Merian exploités par… Newmont et Iamgold. Le rapport de cette commission n’a pas encore été rendu public, mais on peut dès à présent présager qu’il mettra l’accent sur l’industrialisation de la filière aurifère guyanaise.